PLAYLIST – Hommage à Steve Albini, l’homme qui a enregistré tous tes groupes préférés
Just fucking killed him… Un de plus qui se tire. Beaucoup trop jeune (61 ans). Beaucoup trop légendaire (STEVE ALBINI). D’une mort beaucoup trop dégueulasse (crise cardiaque). Steve Albini n’est plus et nous voilà orphelins d’une des figures tutélaires de l’indie rock, responsable d’une bonne partie de nos discothèques à tous, du moins tous ceux qui aiment le rock frontal, agressif, cru, comme celui de ses groupes essentiels, Big Black, Rapeman ou Shellac qui ont tour à tour influencé tout un pan de la scène indus, punk et noise. Dernier de ses groupes encore en activité, Shellac nous laissait systématiquement exsangues après chaque prestation ahurissante d’intensité. Le nouvel album du trio, To All Trains, sortira la semaine prochaine chez Touch & Go et ça va nous faire tout drôle de l’entendre chanter et malmener sa guitare une dernière fois. Cruel destin…
Tant de groupes ont poussé avec excitation la porte du mythique Electrical Audio d’Albini à Chicago. Il en avait agacé certains, déçu d’autres (Les Thugs par exemple, pour ne pas les citer), surtout parce qu’aux dires de ceux qui l’ont côtoyé, il ne calculait pas, ne faisait pas semblant, il était humble, honnête, entier, sans doute un peu je-m’en-foutiste sur les bords mais incroyablement passionné et, cela va sans dire, éminemment talentueux. Steve Albini ne snobait aucun artiste qui le contactait et facturait ses enregistrements à un prix plus qu’honnête, ne se considérait pas comme producteur mais ingénieur du son puisqu’il n’usait guère d’artifices et n’avait d’autre prétention que de capturer l’essence du son des musiciens en évitant à tout prix de le dénaturer. Il semblait se contenter de placer ses micros au bon endroit, et appuyait sur REC. On pouvait ensuite lire Recorded (certainement pas Produced) by Steve Albini et on savait que ça allait sonner sa mère. Ce n’était pas de son goût d’apparaitre dans les crédits d’album mais cela demeurait pour chaque groupe un argument de vente imparable, un tampon d’authenticité.
Cette modeste playlist de 50 morceaux*, forcément très réductrice mais d’une indécente qualité, tend à démontrer de manière implacable que si Albini savait donner aux guitares un son des plus tranchants et faisait sonner la batterie comme personne, il était également capable de saisir au plus près la musique des artistes les plus sensibles et de transcender ainsi l’ampleur émotionnelle de leurs chansons (Low, Songs:Ohia, Shannon Wright, Scout Niblett…).
Steve Albini n’en avait rien à foutre des critiques, de nos avis, chiait ouvertement sur les majors (sa lettre ouverte The problem with music a fait date) et n’aurait probablement guère apprécié ce genre de papier à sa gloire. Mais il est important (et assez bouleversant) de nous remémorer son incroyable contribution et d’éduquer ceux qui, inexplicablement, n’auraient pas encore entrevu l’empreinte de géant qu’il a laissée sur le rock indépendant au sens large.
Montez le son, régalez-vous et envoyez lui un bien mérité : « Merci pour tout, Steve. »
*44 pour Spotify, dont la playlist est amputée de Big Black, Rapeman et Shellac qui ne figurent pas sur la plateforme. Préférez donc Youtube, ce serait dommage de s’en passer…