PLAYLIST – Hommage à Anita Lane
Anita Lane, ce nom presque trop beau pour être vrai, fait naître tout de suite un profond respect chez tout fan de la famille agrandie des Bad Seeds. Tour à tour définie comme muse et inspiratrice de Nick Cave, membre fondatrice des Bad Seeds et reine incontestable du rock rimbaldien, l’australienne, malheureusement décédée ce 28 avril, avait disparu des radars suite à son deuxième album Sex O’Clock (2001), produit par Mick Harvey.
A l’époque de The Birthday Party et des proto Bad Seeds, Anita est discrète. Telle une marionnettiste insidieuse de l’ombre, elle écrit les paroles de plusieurs titres phares comme Dead Joe ou From Her To Eternity. Elle est entourée d’une aura de mystère et ce n’est pas sa photo sur l’artwork du premier album des Bad Seeds qui clarifie l’image que l’on se fait d’elle. Qui est donc cette Anita Lane qui fraye allègrement au milieu de toutes ces mauvaises graines ? Avec un sens du brouillage de piste assez inédit, elle collabore avec de nombreux groupes ou artistes qui évoluent dans les mêmes milieux, comme Einstürzende Neubauten, Gudrun Gut, Die Haut ou Barry Adamson. Elle décide alors de sortir un premier album, devenu culte, Dirty Pearl (1993) qui compile plusieurs de ses collaborations, des inédits et reprises, ainsi que des titres solos venus du mini-album Dirty Sings (1988). Mick Harvey est déjà aux manettes, à la production. Il lui reste fidèle et l’embarque sur ses projets d’adaptations des musiques de Gainsbourg en anglais, Anita devenant pour l’occasion sa “Brigitte Bardot”. Elle incarne aussi une autre légende en s’immisçant dans la peau de Nancy Sinatra pour Barry Adamson et sa reprise jazz-coolisé de “These Boots Are Made For Walking”. À travers ses mues musicales et physiques constantes, et sa dimension de joyau noir dont on ne réussit qu’à contempler un éclat après l’autre, Anita Lane bouleverse. Celle qui chantait “You said the World’s girl” nous a laissés bien orphelins en ce mois d’avril 2021, avec ce sentiment étrange de n’avoir pas pu goûter à tout ce qu’elle aurait pu nous offrir. Nous avons alors envie de nous joindre aux Bad Seeds, reprenant en chœur Bob Dylan, et de lui/nous chanter : “Just remember that death is not the end”.
Julien Savès