Pitchfork Music Festival Paris, du 31/10 au 02/11/19
Référence incontournable de la presse musicale anglo-saxonne, Pitchfork qui s’autoproclame “the most trusted voice in music” faisait autrefois la pluie et le beau temps dans le petit monde de l’indie rock. Capable de faire et défaire de nombreux groupes du genre, Pitchfork a bien changé depuis les années 90. Et aujourd’hui, le festival qui se tient tous les ans à Paris est à l’image du média : très tourné vers les “musiques actuelles”, à savoir le hip hop/rnb et la musique électronique (il n’y a qu’à voir leur top de la décennie pour s’en convaincre)… mais avec encore un œil sur le rock indépendant. Les trois jours du festival étaient ainsi axés chacun sur l’un de ces trois genres. Avec toujours un souci d’exigence certain et, forcément, de beaux moments à la clé.
Jeudi 31 octobre
S’il y a bien un groupe sur lequel il fallait s’attarder en ce premier jour de festival, c’est bien Yussef Dayes. Batteur et percussionniste de talent, Yussef Dayes a décidé de se lancer “en solo” après de belles collaborations, notamment aux côtés de United Vibrations et Yussef Kamaal. Présenté par beaucoup comme le renouveau du jazz, il fait preuve en effet d’un groove impeccable et enivrant sublimé par le producteur Alfa Mist, le bassiste Rocco Palladino et le guitariste Mansur Brown.
Un sens du rythme bluffant (s’inspirant des tonalités et rythmes jazz des années 70, de la bossa nova et même du dubstep) et une prestation envoûtante, un véritable coup de cœur !
On ne peut pas en dire autant de Hamza, visiblement content d’être là mais peut-être pas suffisamment mûr pour la scène. Déception également du côté d’Ateyaba, très peu impliqué, sans doute pas tout à fait sobre (doux euphémisme) et adepte du playback…
La tête d’affiche du jour, Skepta, aura en revanche parfaitement tenu son rang en déployant une énergie impressionnante et une technique irréprochable, suscitant quantité de pogos dans une foule qui n’avait d’yeux et d’oreilles que pour lui.
Jonathan Lopez, Neige Bousson & Melina Ferrante-Giovannoni
Vendredi 1er novembre
Deux très gros morceaux nous attendaient lors de la “soirée rock” avec d’abord Primal Scream à 20h pile. Les lumières s’éteignent sur une grande salle curieusement à moitié vide, lorsque Bobby Gillespie débarque dans un costume rose fuchsia à faire pâlir Jarvis Cocker, pour un set de 40 minutes de tubes. Petit concert donc petite formation, mais même à 4, les Primal Scream partent au combat comme s’il allaient jouer deux heures à Hyde Park. Bobby saute, Bobby danse, Bobby fait du tambourin et Bobby fait un parcours sans faute sauf lorsqu’il tend son micro à la foule qui y met autant de bonnes volonté qu’un banc de moules regardant passer Vincent Lagaf sur sa machine volante à côté de Fort Boyard. Malgré ce léger désagrément, un set très correct qui ne restera pas dans l’histoire mais nous poussera à retourner les voir lors de leur prochain passage !
Après avoir supporté 3 ou 4 chansons d’une chanteuse digne de figurer sur la BO de Rox et Rouky 4 et que certains dans le public attendaient comme la révélation de l’année (je ne balancerai pas, à vous d’aller voir sur la programmation pour découvrir son identité), il est temps de se diriger vers la grande scène pour de joyeuses retrouvailles avec les écossais de Belle & Sebastian. La lumière s’éteint, le générique des 400 coups de François Truffaut se projette et nous emporte avant même l’arrivée du groupe. Les voilà ! Bondissant, rayonnant et diffusant un bonheur communicatif dès les premières notes. Comme dans tout set de festival, il manque forcément des titres mais le mélange entre classiques et nouveautés fonctionne remarquablement. Pendant plus d’une heure, le monde est beau, le monde est joyeux et certains pourraient trouver ça légèrement insuffisant mais cela suffit amplement à mon bonheur ! Et il est à noter que contrairement à leurs traditionnels passages au Grand Rex, nous avons cette fois la possibilité d’être debout et nous ne boudons pas notre plaisir ! Espérons que leur tourneur y pensera pour leur prochain passage à Paris et changera de salle !
Bertrand Canis
Samedi 2 novembre
La troisième et dernière soirée est sublimée par AURORA qui nous invite dans son univers de petite chose fragile et puissante à la fois. À l’apparence cristalline, elle impose une voix rauque et profonde qui nous emporte dans un tourbillon psyché.
Auteure, compositeure et interprète, cette Norvégienne de 23 ans à peine nous impose sa douceur et son engagement à travers sa musique. Petite par la taille mais grande par le cœur : l’écologie, l’amour et l’engagement humain sont ses mantras et elle les partage avec son public. Dans un décor lunaire aux couleurs et lights électrisantes, les gens dansent au rythme des sauts d’AURORA, parfaite rencontre entre Sia et Catherine Ringer.
Nos yeux sont écarquillés et pétillants, et nos oreilles en redemandent ! On peut y entendre des réminiscences d’univers artistiques complexes comme ceux de Florence+the Machine, Kate Bush ou encore Björk.
Une musique réellement enthousiasmante, difficile à catégoriser, mêlant avec bonheur pop, dance et électro. À voir sur scène absolument, son énergie positive est contagieuse !
Faut-il encore présenter SebastiAn, surdoué de l’électro ? Scénographie aussi psychédélique qu’électrique, de l’amour dans nos oreilles pour cette fin de festival, caressée par le délicat remix de « Killing In The Name » de RATM.
Il aura fallu huit ans pour que son deuxième album, Thirst, voit enfin le jour mais l’attente en valait la peine.
Sons pop, synthés, voix robotisées et pas moins de 11 collaborations, Thirst explorait de multiples influences et le rendu live est impeccable. C’est propre, dansant, bruyant, écrasant et doux à la fois. Quelle meilleure manière de clôturer ce festival ?
Neige Bousson