Pink Floyd – The Dark Side Of The Moon (Capitol)
Ce n’est pas la mort de Storm Thorgerson, créateur de multiples pochettes de disques, dont quelques-unes de Pink Floyd, notamment celle de The Dark Side Of The Moon, qui m’a poussé à chroniquer ce disque et parler de ce groupe, puisque cette chronique mijotait depuis un moment. En tout cas, cela fait une parfaite introduction à l’univers planant de ce groupe unique.
Attention monument ! Avec Pink Floyd, on tape carrément dans les légendes du Rock. Tout le monde connaît et chacun a sa période préférée. Ceux qui ne jurent que par la période avec Syd Barrett aux commandes. Auteur de quelques singles géniaux « Arnold Layne », « See Emily Play » et du premier album The Piper At The Gates Of Dawn. Ceux qui fantasment sur la période psychédélique, dont Ummagumma est le sommet. Ceux qui bénissent les disques d’avant l’explosion « commerciale » comme Meddle ou Atom Heart Mother. Ceux qui ne connaissent que The Dark Side Of The Moon ou bien The Wall, lorsque le mégalo et parano Waters ne laisse plus que quelques miettes à ses compères…
Pink Floyd naît dans les années 60. Le Blues étant la première source d’inspiration du groupe, il prend le patronyme « The Pink Floyd Sound » en hommage à deux bluesmen américain : Pinkney Andersson et Floyd Council. Très vite, ils réduisent le nom du groupe à Pink Floyd, et vont devenir rapidement un des fleurons du Rock psychédélique britannique.
Le groupe est composé de Syd Barrett (guitariste et leader), Nick Mason (batterie), Rick Wright (claviers) et Roger Waters (basse). Le premier album The Piper At The Gates Of Dawn est l’œuvre de Syd Barrett. Succession de chansons courtes qui deviennent des références du genre : « Astronomy Domine » truffée d’échos et de reverbs, « Lucifer Sam » au riff de basse très accrocheur ou le génial « Pow R. Toch H. » (sic), morceau complexe et très « Barrett ». Le morceau le plus étrange étant la longue pièce « Interstellar Overdrive », très caractéristique de ce Floyd première période.
Syd Barrett, déjà un peu barré (je sais elle est facile), va péter les plombs pour de bon. Dépression nerveuse due essentiellement à l’abus de drogues (surtout le LSD) qui lui ont cramé le cerveau. Incapable d’assurer sur scène, devenu imprévisible et incontrôlable, David Gilmour intègre le groupe pour pallier les défaillances de Barrett avant de le remplacer de manière définitive quand il est viré du groupe. Pink Floyd vient de trouver son équilibre et va poursuivre dans la voie psychédélique.
Le second album creuse le sillon du premier, et contient notamment les fantastiques « Set The Control For The Heart Of The Sun » et « Saucerful Of Secrets » qui seront repris sur l’album live que contient le double Ummagumma. Ils écriront également la musique de deux films de de Barbet Schroeder, More et Obscured by Clouds.
C’est après cette période que naît le nouveau Floyd qui s’oriente vers le rock progressif. Waters est devenu le boss, Wright et lui composent l’essentiel des titres. Gilmour tient avec classe la guitare et le chant. Le meilleur est bien entendu à venir, mais le Floyd des débuts semble déjà loin. Deux albums marqueront cette période de « rock progressif », Atom Heart Mother (le fameux disque de la vache), qui contient la pièce maîtresse éponyme de 23 minutes. Long morceau (on ne peut pas parler de chanson bien évidemment), qui invite orchestre symphonique à croiser le fer avec les 4 Floyd et Meddle (pochette avec une oreille en gros plan), qui contient le sublime « Echoes », long trip planant de 23 minutes également, dans lequel les 4 musiciens livrent une partition extraordinaire. Ce titre sera joué live à Pompéi, Pink Floyd jouant pour l’occasion dans une arène avec pour seul public les fantômes des citoyens romains de la ville détruite au premier siècle de notre ère. Le film qui immortalise ce concert est à voir absolument.
En mars 1973, paraît leur huitième album The Dark Side Of The Moon. Concept album ambitieux qui contient dix morceaux (cinq sur chaque face). Les titres s’enchaînent sans temps mort, l’ensemble étant imbriqué et unique. Ce disque va propulser Pink Floyd au plus haut des charts, et les installer définitivement au panthéon. Il restera près de 20 ans, dans les classements des albums les plus vendus aux USA, performance totalement stupéfiante. L’univers sonore somptueux de bout en bout fera le succès du disque.
La première face s’écoute d’une seule traite, les cinq titres s’enchaînant dans une logique et une fluidité sans faille. Cet album est d’abord une prouesse des ingénieurs du son, qui utilisèrent pour la première fois des techniques inconnues jusqu’alors. Mêlant sonorités diverses à l’univers musical du Groupe. L’intro donne le ton, sur « Speak To Me », un battement de cœur, mêlé aux tics tacs d’horloge, tiroirs-caisse, éclats de rires et moteur d’avion, avant que l’imitation de cris d’oiseau ne lancent « Breathe », au rythme lancinant bercé par la guitare de Gilmour. « Breathe, Breathe in the air, Don’t Be Afraid to Care » Quelle entrée en matière ! Le jeu de Mason, tout en souplesse, presque jazzy, apporte le lien à l’ensemble.
« On The Run », est une course rythmée par les synthés de Wright. Mise en scène d’un avion qui semble mitrailler des cibles fuyantes, jusqu’au crash final, qui laisse la place à un titre fabuleux : « Time ». L’évidence du rythme reggae de ce morceau génial m’est apparue à l’écoute de la reprise qu’en ont faite Easy Star All Stars des années plus tard, sur l’album The Dub Side Of The Moon.
Un délire de réveils, horloges, coucous divers (tics tacs, sonneries, bourdon) donne le la, le sujet c’est le temps qui passe et s’écoule inexorablement. Intro très western, Leone aurait pu l’utiliser pour Il était une fois dans l’Ouest. Mason met doucement le morceau sur les rails, basse chaloupée, claviers à l’unisson. Gilmour au chant est encore une fois remarquable, et lorsqu’il laisse parler la gratte, ça décolle grave. On ne pense pas toujours à lui, quand on cite les grands guitaristes, mais il fait réellement partie du gotha, c’est certain. « The time is gone, the song is over, thought I’d something more to say » dit-il sur le dernier changement de rythme du morceau.
Qui laisse la place à « The Great Gig In The Sky », piano romantique, guitare au bottleneck et voix magnifique et haut perchée de Clare Torry, pas de texte, juste le chant mélodieux qui suit les intonations des touches de Rick Wright. C’est juste beau à pleurer.
La seconde face s’ouvre sur « Money », chanson sur l’argent qui domine le monde (sur lequel les Floyd ne cracheront pas toutefois). Le morceau débute par le bruit d’un tiroir caisse, porté par une guitare et une basse funky, et un chant rageur et inspiré. Le saxo de Dick Parry amenant une note jazzy agressive, et Gilmour décochant des salves de guitare qui se mêlent au clavier de Wright.
Rythme soutenu, mélodie imparable, musiciens au sommet. Ce titre est le classique du Floyd, et un très grand morceau du rock tout court. Fondu enchaîné avec le titre suivant, sublime ballade « Us And Them », sur laquelle le saxo occupe tout l’espace, il se prélasse tout d’abord langoureusement avant d’exploser de manière très percutante. Le duo Wright et Gilmour au chant est parfait. Grand morceau planant de l’album.
« Any Colour You Like » montre encore toute l’étendue du talent de Gilmour, suit « Brain Damage », ballade finale qui n’est pas sans rappeler « The Fool On The Hill » de qui vous savez, avant « Eclipse » qui ferme la marche de ce très grand disque qui s’écoute fort, si possible au casque, pour tirer un profit maximal de la science du son de Pink Floyd.
Après ce coup de maître, il leur a fallu digérer le succès phénoménal, les tournées et tout le reste. Ils reviendront néanmoins moins de trois ans plus tard pour livrer un autre grand disque, Wish You Were Here, qui contient le titre fleuve « Shine On You Crazy Diamond » hommage au regretté Syd Barrett. L’album contient également la magnifique ballade acoustique éponyme, sur laquelle bon nombre de guitaristes débutants se font la main et prennent leur pied.
Le groupe a continué sa route, puis les voies ont divergé pour incompatibilité, Roger Waters devenant insupportable et tyrannique. David Gilmour a continué à enregistrer des disques, pas mauvais, sur lesquels Rick Wright tenait les claviers, jusqu’à sa disparition en 2008, mettant fin pour de bon cette fois-ci à la possibilité de voir réunis un jour Pink Floyd, comme les rumeurs l’ont longtemps laissé croire.
L’héritage laissé par ce groupe est énorme, on ne compte plus les héritiers des Floyd. Ils laissent pour la postérité une poignée d’albums géniaux, et comme en plus ils ont décroché la lune…
El Padre