Pearl Jam – European Tour 2014
Cet été j’ai pu réaliser un joli tour d’Europe : Amsterdam, Berlin, Stockholm, Milton Keynes. 4 villes dans lesquelles Pearl Jam jouait, 5 concerts (deux à Amsterdam).
Et là vous me prenez pour un dingo de première. Pourquoi faire autant de kilomètres et dépenser autant d’argent pour voir le même groupe ? Vous allez comprendre.
Ziggo Dome (Amsterdam, Hollande), 16 juin 2014
Amsterdam, ses canaux, ses coffee shops, son quartier rouge et… ses géants ! Oui, car s’il y a une chose qu’il faut savoir et sur laquelle on n’insiste pas suffisamment c’est que le batave est grand, très grand. Alors quand vous passez un petit week-end touristique c’est pas gênant mais dans une salle de concert, c’est une autre paire de manches…
Rentrés largement avant le début du concert on pensait pouvoir se trouver un petit coin tranquille pour avoir une vue imprenable sur la scène. Que nenni ! Vite compactés comme des sardines, nous voilà coincés entre deux perches de première catégorie qui nous limitent sévèrement le champ de vision. Tant pis, ce sera un concert version radio.
Les premières longues notes suspendues de “Pendulum” nous prennent d’entrée à la gorge. McCready a sorti son archer et nous les mouchoirs.
La voix du monsieur est intacte, toujours aussi belle et poignante sur les morceaux chargés en émotion (“Nothingman”, “Wishlist” ou l’inévitable “Better Man” pendant le premier rappel). On note néanmoins que sur ces premières dates il n’a pas encore tout le coffre nécessaire et gère intelligemment en s’économisant les cordes vocales sur certains passages bien connus du public. Nous aurons le loisir d’apprécier sa montée en puissance au fil des dates.
Le dernier album est bien représenté mais certaines n’ont pas encore (ou n’auront jamais) l’étoffe pour soutenir la comparaison avec les classiques (“Lightning Bolt” et “Swallowed Hole” rejoignent d’emblée la case “un peu reloues qui cassent le rythme”). A contrario, “Mind Your Manners” est un monstre d’efficacité qui a tout pour squatter les setlists pendant bon nombre d’années alors que “Sirens” renforce son statut de chanson la plus controversée du groupe (ceux qui la chantent à gorge déployée côtoient d’autres qui ont déjà la corde au cou). Une pensée pour ceux qui, comme moi, ont fait plusieurs dates et ont dû subir ce morceau à chaque fois, au point de rejoindre progressivement la deuxième catégorie.
Fidèle à sa réputation, le gang de Seattle commence déjà à taper dans les raretés (“All Night”, la magnifique “Who You Are”, et quatre titres du sous-estimé Binaural : “Breakerfall”, “Evacuation”, “Light Years”, “Thin Air”).
Le groupe est déjà bien en jambes mais le public ne dégage pas une énergie faramineuse (doux euphémisme). Après une “Even Flow” comme toujours tonitruante, on remarque que le père Vedder traine la patte. Dommage l’impression visuelle (les rares fois où on parvient à voir la scène…) s’en ressent. Tristouille de voir le leader charismatique boiter comme un vieillard et donc limiter ses déplacements sur des morceaux comme “Porch”.
Sommet d’intensité sur la bouleversante (et rare et tant espérée) “Footsteps” interprétée avec une impressionnante justesse. Auparavant “Low Light” et “Thin Air” avaient déjà placé la barre haut. La plus convenue “Come Back” dédiée à Joey Ramone ne fera pas redescendre le degré d’émotion maintenu au summum (mais j’ai retenu les larmes, je suis un homme viril).
Le son, très bon sur les morceaux calmes, pêche en devenant quelque peu brouillon sur les titres plus énervés (“Rearviewmirror”, “Go”) ce qui a le don de gâcher le plaisir.
Il faudra rien de moins que les tubes éternels “Jeremy” et “Alive” pour sortir le public de son apathie et communier (enfin) avec le groupe comme il se doit. Le final, toutes lumières allumées, sur “Indifference” provoquera moult hérissages de poils.
Très beau concert malgré quelques moments où l’intensité fut moindre et l’attention plus disparate. Tenir le public en haleine pendant près de 3h, cela relève de l’exploit. Quand on s’appelle Pearl Jam ce n’est qu’une question de mise en jambes…
Ziggo Dome (Amsterdam, Hollande), 17 juin 2014
Pour la seconde date, nous évitons les redoutables perches de la veille puisque nous sommes en gradins. La vue d’ensemble de la salle est sympa même si la scène paraît bien lointaine. Et surtout, vu la folle ambiance qui régnait la veille, on imagine qu’on pourra difficilement quitter nos places assises.
Pearl Jam ouvre le bal magistralement avec la somptueuse “Hard To Imagine”. Difficile d’imaginer mieux en ouverture (les anglophones apprécieront la qualité du jeu de mots)… Pour ce qui est des désagréments évoqués la veille, ils sont malheureusement toujours de la partie.
1) le son est toujours moyen sur les morceaux qui envoient. Ainsi, l’enchainement “Life Wasted” – “Mind Your Manners” – “Last Exit” – “Do The Evolution” qui aurait dû nous faire perdre un bras dans l’euphorie ne nous gagner qu’un torticolis (et provoquera un haussement de sourcil chez notre voisin de gauche, un peu trop importuné par toute cette agitation).
2) le calme des hollandais n’était pas dû à un usage excessif de somnifères ou de marijeanne (ou alors ils ont recommencé).
3) Vedder a toujours le genou en compotes. Il nous expliquera que c’est pour avoir voulu imiter Matt Cameron et sauter par dessus des bus en moto… Gamin va.
Il conclut par deux morales : fumer de l’herbe peut inciter à prendre de mauvaises décisions et personne ne peut être aussi cool que Matt Cameron. Ce n’est certainement pas le type du public qui porte le t-shirt “Matt Fuckin Cameron” qui le contredira. Nous non plus d’ailleurs.
Après une “Dissident” dédiée à Edward Snowden, petit événement : un morceau affreusement mal joué, à peine reconnaissable. Étrangement, alors que Pearl Jam a toujours le chic pour ressortir d’obscures faces B pas jouées depuis des lustres et s’en sortir remarquablement bien, il ne sait pas jouer le premier morceau de son dernier album. Ainsi, “Getaway” petite bombe sur disque ne ressemble pas à grand chose sur scène. Voilà j’ai fait une critique sur le groupe. N’en espérez pas d’autres.
Car pour le reste, entendre “Immortality” live pour la première fois, avoir droit à de chouettes reprises de derrière les fagots (“Rain” des Beatles, “Mother” de Pink Floyd) et surtout, surtout une merveilleuse version de “All Or None”, ça vous garantit une soirée mémorable. Le groupe eut en outre le bon goût de jouer “Unthought Known”, cet excellent morceau de Backspacer (et Dieu sait qu’ils se comptent sur les doigts d’une main atrophiée).
Pearl Jam fait mumuse avec sa setlist. Après avoir proposé la veille les enchaînements “Go” – “Why Go” et “Supersonic” – “Sonic Reducer” (des Dead Boys), il joue cette fois une “trilogie familiale” (“Mother” – “Daughter” – “My Father’s Son”). Une trilogie de haut vol qui aura même le don de faire lever les arrière-trains néerlandais et nous permettre, ô libération suprême, de pouvoir nous lâcher pour de bon sur cette fin de concert.
Bien que tardif, le timing est idéal pour savourer le riff parfait de “State of Love And Trust”, apprécier la vue d’ensemble d’une salle qui connaît “Alive” sur le bout des doigts, chanter “Black” (le plus beau morceau du monde) à en perdre la raison, hurler sur “Blood” et brandir le poing sur “Rockin’ In The Free World” (de Neil Young). Et se remettre en douceur de ses émotions en écoutant les délicieux arpèges de Mike McCready sur “Yellow Ledbetter”.
Sur les 61 morceaux joués ces deux soirs, seuls cinq l’ont été en commun (“Alive”, “Even Flow”, “Lightning Bolt”, “Mind Your Manners” et “Sirens”). C’est ça Pearl Jam, on le savait. La prochaine date est dans neuf jours. Une éternité.
“RAIN”, une merveille psychédélique méconnue car publiée uniquement en face B de Paperback Writer. Classe Pearl Jam, mais ça on le savait …