Paerish – You’re In Both Dreams (and You’re Scared)
Si tant est que 2023 soit une année féconde en terme de nouveautés, il faut mentionner la confirmation d’un revival shoegaze — courant qui n’a jamais cessé de circuler dans les micro-circuits musicaux —, doublé d’un regain d’intérêt, non pas pour le stoner qui a tendance à provoquer chez moi des crises d’urticaire, mais pour le post-grunge. Les années 90 appartiennent bel et bien au passé mais continuent de dégouliner sur le présent. Au parangon de la tolérance, je ne vais pas si loin mais il peut y avoir de rares exceptions.
Paerish cite en référence des formations telles que Basement ou Superheaven, ce qui l’éloigne du shoegaze qui lui a longtemps été accolé. Le quatuor est la collision inattendue de segments s’enchevêtrant dans un espace contigu, une sorte de noyau où s’agglomèrent rock alternatif et ambiances éthérées. Après deux albums unanimement encensés par la presse musicale, j’ai senti le signe avant-coureur d’un disque majeur. Voilà qui va renouveler les accessoires d’une culture réduite à remâcher inévitablement le même vocable. Et pour couronner le tout, le titre du disque fait référence à une scène mythique de Muholland Drive. Première impression, c’est cet état de semi-conscience pas autant altéré qu’il y paraît, la frontière entre réel et rêve est ténue.
En bon alpiniste sonore, il faut s’accrocher, une dimension vertigineuse se dégage de « Sequoia », avec retenue et sobriété. Lentement, les guitares crissent dans un déluge ascensionnel avant de se désintégrer dans un fondu de courte durée. Au fur et à mesure que l’on écoute cet album, les murs de saturation se dressent en une masse sonore monolithique et homogène. Le groupe nous avait déjà gratifiés d’un excellent premier jet avec le sublime single « Houses of American Style », où l’influence du groupe Violent Soho est flagrante. Aux lignes vocales hypnotiques qui s’entrelacent, se greffent des dissonances, ô combien délicieuses, héritées d’une jeunesse biberonnée au grunge corrosif et aux musiques lo-fi dégueulasses. Will Yip à la console a de suite accroché avec les sonorités de Paerish, cette douce violence qui se déchaîne dans une dégringolade psychique maladive, un véritable toboggan de 36 minutes. Car après tout, pourquoi (et comment) résister à « Worry » ou au poignant « My Every Step » ?
À la différence des nombreuses références du genre (je vous épargnerai le catalogue des styles et périodes musicales), Paerish se révèle beaucoup moins chiant que d’autres formations qui se noient dans un bourbier où l’ensemble de l’album ne forme qu’un seule pâte boursouflée. On prend d’ailleurs un malin plaisir à se repasser les titres comme un film, on saisit des bribes et des refrains pour les stocker dans la mémoire. Pari réussi, si telle est l’intention de Paerish donc, « Amanita » devrait notamment vous squatter les oreilles pendant quelques jours.
Franck Irle