Melvins – Thunderball

Il va bien falloir répondre un jour à la question de la place des Melvins dans la grande histoire du rock. Alors qu’on nous bassine depuis toujours avec des groupes déjà vieux quand nos parents étaient déjà vieux, que les reformations les plus improbables n’étonnent plus personne, que la jeune garde peine à être dans autre chose que l’hommage poli à ses glorieux aînés, les Melvins, eux, semblent immuables, aussi solides et rutilants qu’aux premiers jours, sans trace d’usure ni odeur de naphtaline, et sans avoir splitté ni commis de hiatus.
Bien sûr, ils ne sont pas les seuls de leur génération à avoir conservé l’envie de sortir de disques pas trop dégueux, ce sont les seuls, en revanche, à le faire avec une telle régularité et une telle pertinence. Sorti trois cent soixante quatre jours après le fantastique Tarantula Heart, Thunderball confirme l’incontestable vitalité des Melvins et nous oblige à reconsidérer leur place dans notre panthéon personnel et à interroger leur legacy.
Alors OK, ils n’ont jamais splitté, mais tout le monde sait pertinemment que les Melvins ont toujours été un groupe à line-up variable, dont seul Buzz Osbourne demeure l’élément inamovible. En l’occurrence, le fidèle Dale Cover ne fait pas partie de l’aventure. Il cède sa place à Mike Dillard qui fut le premier batteur du groupe à ses débuts en 1983, et qui fit son retour derrière les fûts sur les albums Tres Cabrones en 2013 et Working with God en 2021. A leur côté, on retrouve Void Manes and Ni Maîtres aux machines, bruitages, et autres habillages sonores. Rien de révolutionnaire, à peine une texture et une profondeur psychédélique toutes teutonnes, pas forcément fréquentes chez les Melvins, mais pas non plus complètement nouvelles. En réalité, Thunderball ne propose pas de grand changement radical, ni rien de véritablement neuf. Mais alors pourquoi il nous semble si important d’en parler ? Et d’en parler le souffle court, des étoiles plein les yeux ?
Rien de nouveau sous le soleil, c’est entendu. On y revient pourtant plus souvent encore que d’habitude. Il y a quelque chose qui transparaît entre les riffs éculés de « Venus Blood », « Victory of the Pyramids » et « Short Hair with a Wig » qui souffle un air libérateur et ensorcelant, quand bien même on a l’impression que tout y est interchangeable et soluble. Chacun des titres aurait pu durer deux fois moins ou deux fois plus longtemps sans qu’il n’y ait à redire. On ne doute pas du cynisme de Buzz Osbourne, on s’étonne juste de l’effrayante efficacité dont il est encore capable. Est-il si facile de nous manipuler ? Faut croire que oui, et on en redemande, c’est peut-être ça le plus triste.
Il n’y a rien à redire. Les Melvins maintiennent vive une flamme que d’autres menacent d’éteindre à trop vouloir l’exposer aux quatre vents. L’an dernier, la sortie de Tarentula Heart coïncidait avec celle de Dark Matter de Pearl Jam. Il y avait quelque chose de profondément gênant à comparer les deux albums et les deux groupes. L’organique d’un côté, le plastique de l’autre. L’art vs la vulgaire incapacité à être autre chose qu’un industrieux triste, au service de ceux-là même que tu avais fait semblant de combattre durant ta jeunesse sonique. Certes, je m’égare. Ça fait longtemps que Pearl Jam n’existe plus vraiment, contrairement aux Melvins. Mais voilà, la question s’est imposée à nouveau à moi depuis que je me vautre quotidiennement dans Thunderball et je peux bien avouer, sans avoir rougir, l’admiration qui est la mienne.
Et si c’étaient eux, les vrais génies de notre génération ?
Max