Lux Interna – New Wilderness Gospel

Posted by on 23 mai 2025 in Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Auerbach Tonträger, 2 mai 2025)

Après dix ans d’absence, Lux Interna revient avec un nouvel album poignant, nimbé d’une nébulosité où chaque image évoquée peut être considérée comme un fragment de l’éternité.
Le quintet nous invite à une réflexion sur l’écoulement du temps. Ici, tout est au ralenti, ou presque. Les fans de Wrekmeister Harmonies y retrouveront cet échange vocal enrichi de cordes et de guitares majestueuses, des envolées tourbillonnantes telles des étincelles éphémères, des brisures musicales au détour d’une fin de phrase.

Derrière cet apparat baroque, le groupe californien emprunte d’autres chemins, loin des plages, des cartes postales rayonnantes, Lux Interna replonge ses racines dans un dark folk où la dimension rituelle s’incarne dans chaque titre avec un livret destiné à guider l’oreille, l’âme et le corps. Pour atteindre les sommets des montagnes, il fallait cultiver l’art subtil d’être oiseau. Dans le cas présent, cette spiritualité illustre les cendres du passé, les reliefs historiques des vestiges du temps. « DarkFire/Revelator » pose ses jalons, avec ses percussions tribales, son expression gothique résonne dans un décorum nocturne, où la couleur du vent, le parfum de la pluie fusionnent tous les sens, elle est l’œuvre de solitaires qui regardent les images avec une effroyable netteté, d’un temps que la modernité a effacé. La collision entre la voûte céleste et les profondeurs du sol.

Un rodéo céleste qui se poursuit avec « Like Wolves », titre qui fait irrémédiablement penser à Nick Cave, on saute au-dessus des flammes en se tenant par la main, pour rejoindre le monde de l’affect, un gospel inapprivoisé. « Into Night » combine les filaments que constituent l’espace et le temps, en dehors de toute religion, mais au seuil d’un voyage sans fin. Cette americana échappe même à sa propre définition, inadaptée au modernisme car partie intégrante de la nature, échappé de l’enfer industriel et de l’anonymat urbain. La voix de Kathryn Ian et de Joshua Gentzke est un pont entre le visible et l’imperceptible. Ce cheminement se fait progressivement, au travers d’une énergie lumineuse. Une fois canalisée, elle devient une force qui rompt l’immobilité.

Il faut considérer New Wilderness Gospel comme un parchemin, dont « Old Blood Blues » est la représentation. Y circulent un pan de notre humanité perdue, dont le banjo et la guitare se réfèrent aux anciens chants, aux spectres des Amérindiens, aux lambeaux de lumières que le passé a gardé en son sein. Les 8 minutes 46 de « Her Wilderness » amplifient cette sensation de vertige. Lux Interna nous permet de nous glisser dans une faille spatio-temporelle d’une beauté tangible quasi irréelle.

Franck Irle

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