La Jungle – Ephemeral Feast

Publié par le 14 juin 2022 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(À Tant Rêver Du Roi/Black Basset/ Rockerill/Stock, 10 juin 2022)

Il m’a fallu du temps pour oser m’aventurer pleinement dans La Jungle. Faire fi des coups de machette répétés, affronter les dangers de l’inconnu, ne pas craindre une mauvaise rencontre. Fall Off the Apex, quatrième album précédant celui-ci de moins d’un an, avait dissipé les réticences. L’envie de suivre aveuglément ce groove aguicheur était grandissante. La recette façonnée par les deux Montois (de la ville de Mons, en Belgique donc) semble se bonifier et gagner en singularité au fil du temps. C’est pourtant simple et limpide. L’un tape sur des peaux avec des bouts de bois, l’autre gratte ses cordes. En toute frénésie. Entre techno tribale (sans machines) et hystérie kraut/noise. Ces individus qu’on a tôt fait de considérer comme un peu fous, ont simplement un surplus d’énergie à extérioriser. Nous sommes leurs cobayes volontaires. Nous mangeons du beat. Et nous nous régalons. Car certaines pièces présentées ici sont assez terrifiantes d’efficacité et font appel à nos instincts primaires (« Another Look to the Woman in the Gloom » ou le fascinant « Couleur Calcium » et son gimmick de chant de tribu). Elles nous incitent à écouter notre corps qui nous crie de ne pas nous en faire. Mais l’intellect n’est pas négligé pour autant et en injectant davantage de noirceur, La Jungle s’octroie un regain de profondeur. Le batteur mutant s’acharne sur un « Hallow Love? » aux portes de l’indus et le chant prend un peu plus de place qu’auparavant. Peut-on réellement parler d’un chant ou s’agit-il simplement d’un troisième instrument, aux apparitions furtives mais essentielles, ne faisant qu’un avec ses compagnons (c’est particulièrement prégnant sur « De Verna ») ? Toujours est-il que la cohérence est de mise. L’ensemble, parfois d’un minimalisme confondant, est parfaitement agencé, à l’image de cet empilement de pierres, d’un équilibre précaire, menaçant à tout moment de s’effondrer. Comme dame nature, qu’on aime tant malmener, et semble parfois à deux doigts d’arrêter les frais. Mais elle tient, et nous en faisons autant. Le frein, face à La Jungle et cette musique, demeure invariablement le même : une prise de chou potentielle, sur la durée. Un renoncement face aux assauts nourris, ressassés avec force persuasion (« No Eyes » qui cogne un peu partout avec un acharnement maladif). La préparation mentale demeure essentielle. Partir en condition. Et en sortir vivifiés, ragaillardis par cette intense traversée. Si vous ne l’avez pas atteinte auparavant, le « VVCCLD » final de près de dix minutes, saura vous guider habilement vers la transe.

Jonathan Lopez

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