King Tuff – Smalltown Stardust
Kyle Thomas nous l’avait dit quand nous l’avions interviewé il y a déjà 8 ans : chaque fois qu’il finit un album, il a envie de faire quelque chose de complètement opposé. Certes, le temps d’attente est désormais plus long (on est passé d’un album tous les deux ans entre ses différents groupes à quatre-cinq ans et une carrière partagée entre King Tuff et les tournées), mais sa dernière sortie va bien dans ce sens.
Après un disque plus garage mais inégal (Black Moon Spell en 2014) et un autre discoïde malgré le titre éponyme terriblement déprimant (The Other en 2018), je dois avouer que mon enthousiasme pour la musique de King Tuff s’était un peu estompé. Mais comme je le disais dans ma précédente chronique, la sympathie pour l’artiste est restée intacte depuis Witch et l’album solo homonyme, et je me devais donc de jeter une oreille à ce Smalltown Stardust, sans savoir toutefois ce que j’allais y trouver.
Première écoute, premier morceau, des cordes qui semblent synthétiques et pas l’ombre d’une guitare sur overdrive à l’horizon. On est donc bien loin du glam 70s qui m’avait conquis sur l’album de 2012 ou du Black Sabbath punk à la Witch. D’accord, mais ce qu’on entend évoque le medley d’Abbey Road des Beatles. On fait pire, quand même.
Or, si ce n’est pas vraiment ce qu’on attendait, on éprouve le plaisir de retrouver cette pop fin 60s à grand renfort de chœurs et d’instrumentation chargée qui rappelle les Zombies ou les Kinks de Something Else ou Village Green, infuser la plupart du disque. Vu la versatilité de l’artiste, c’était difficile de savoir exactement ce qu’on attendait de toute façon. On pouvait attendre au mieux de bonnes chansons, et c’est ce qu’on a !
En fait, hormis l’interlude parlée inutile en guise de troisième piste, tout me plaît. Que ce soit les compos pop ensoleillées, le titre éponyme plus mélancolique ou celles plus intimistes (« Pebbles In Stream » qui fait penser à Nick Drake ou « That’s Where You’ll Always Find Me » et « The Wheel » qui clôturent l’album sur une note plus dépouillée). J’ai presque l’impression que « Rock River » est l’opposé parfait de « Swamp Of Love » sur le disque de 2012, cette fois un des titres les plus rythmés, pas moins triste (« all the tears I’ve cried on the rock river ») mais en paix (« there’s nothing wrong but there’s nothing right / those days are gone and we can’t rewind »), et toujours avec une mélodie à tomber.
Enfin, je me dois de citer une de mes préférées, « Bandits Of Blue Sky », qui va chercher des basses et percussions à la Motown, des mélodies dont on aurait facilement pu croire qu’elles étaient signées Lennon et une instrumentation de pure pop 70s. Pour un peu, je dirais presque que King Tuff fait de la pop 60/70s post-moderne. Et finalement, c’est peut-être ça, le fil conducteur de sa musique : écrire de la pop avec toutes les bonnes idées qu’il a digérées en écoutant les artistes qui l’ont précédé, surtout ceux de ces années-là. Oui, ce n’est pas toujours du glam rock 70s, de la pop psyché avec une pointe de Velvet, du blues satanique avec une frappe punk, et parfois ça s’aventure dans des territoires où on n’a pas très envie de le suivre, mais quand ça touche la corde sensible, on se retrouve avec des albums qui nous suivent un bout de temps et nous font oublier tout le reste.
À la fin de notre interview de 2014, Kyle Thomas nous disait qu’il se considère comme un compositeur pop car il aime l’idée que les gens veuillent écouter sa musique en boucle. Et cette fois, on dirait bien que ça a marché !
Blackcondorguy