Just Mustard – Heart Under
Le quintette Just Mustard nous vient de Dundalk dans le comté de Louth, en Irlande. Il est régulièrement comparé à Cranes et subit depuis la sortie de son premier album Wednesday en 2018 une déferlante de jeux de mots pourris que nous tâcherons de vous épargner. Son nouvel album, Heart Under donc, est sorti fin mai, chez Partisan Records, ce qui lui vaut une couverture médiatique autrement plus importante que pour son premier effort, paru chez le bien plus confidentiel Pizza Pizza Records. D’un naturel méfiant, on n’avait écouté que d’une oreille ce disque mais il faut bien admettre qu’on a eu tort de le snober.
D’abord, le coup de la fille fragile au micro ne manque pas de séduire. Sa voix douce ensorcelle très vite l’auditeur. Le chant évanescent et les mélodies ne sont pas sans rappeler Warpaint (c’est particulièrement criant sur « Blue Chalk ») mais un Warpaint (ou un Cranes, donc) qui se montrerait plus vicieux et inquiétant (et au passage, bien plus intéressant que le dernier album de Warpaint, assez inoffensif).
C’est un album assez déroutant qui, s’il sera immanquablement classé parmi les « nouvelles révélations post punk » (on est à combien, 172 depuis cinq ans ?), ne se laisse certainement pas étiqueter si facilement. Une chose est sûre, il s’appuie sur d’autres ressorts. Point de chanteur gouailleur ici, Just Mustard joue sur les ambiances et les contrastes, et se rapproche bien plus volontiers du shoegaze.
Les contrastes revenons-y, sont parfois des plus prononcés, notamment sur « Still », et son anxiété grandissante (renforcée par le clip bien claustro, cf ci-dessous) alors que Katie Bell chante, presque langoureusement, imperturbable. Ainsi, alors qu’on pourrait se croire bien à l’abri au sein d’un cocon bien douillet, une menace plane constamment, incarnée par des hurlements de guitare façon MBV ou certaines phases de post punk heurté, ou de dub habité, faites de répétitions, de basse obsédante, de rebonds sur les murs, délabrés voire légèrement rouillés, alors que Bell semble réciter une comptine avec application (« I Am You », « Sore », « In Shade »). On se situe également parfois aux confins de l’indus, avec quelques sonorités évoquant les couloirs hantés régulièrement empruntés par FACS (« Early »). La production est impeccable, la basse-batterie redoutable (« Pigs ») et Just Mustard, s’il évoque par détours, des références enviables, n’a pas emprunté le chemin de la facilité, préférant se construire une singularité. Pas suffisamment captivant d’un bout à l’autre (ça faiblit un chouïa sur la face B ou est-ce la légère redondance de sa formule qui crée un déficit d’attention ?), Heart Under se contentera de n’être qu’une excellente surprise, mais sera scruté de près lors de sa prochaine sortie, pour laquelle on est en droit d’espérer un coup de maitre.
Jonathan Lopez
Just Mustard passera le 21 octobre au Hasard Ludique (Paris) et il faut avouer que c’est tentant.