Jake Bugg – Jake Bugg (Mercury)
Jake Bugg est le nouveau phénomène de la scène musicale britannique. Il truste les hommages, son premier album éponyme caracole en tête des ventes, ses concerts font le plein, et tous les anglais raffolent de ce gamin. Noel Gallagher lui a proposé d’assurer les premières parties de ses concerts, car il lui en a mis plein la vue. Le môme est pétri de talent, c’est certain, et doté d’un culot inouï, et il est en train de réussir le casse de ce début de siècle à tout juste 18 ans !
Dire qu’il n’a que la musique en tête (et au cœur), depuis son plus jeune âge est un euphémisme. À 12 ans, son oncle lui offre une guitare acoustique et lui apprend quelques accords, c’est le déclic. A 16 ans, il plaque les études pour décider de se lancer dans la musique, une telle maturité et une telle volonté laisse songeur. Enfin à 18 ans à peine révolus, il pond un disque que beaucoup cherchent à composer durant toute leur carrière. Talent et goût indiscutables, Jake Bugg a sûrement beaucoup écouté les disques de ses parents, voire de ses grands-parents, car le son « vintage » rappelle immédiatement les Beatles, Dylan ou autre Donovan. Si ces influences sont évidentes et assumées, elles ne sont jamais caricaturées ou plagiées. Il a visiblement beaucoup trop de respect pour ces glorieux aînés pour cela. Il a d’ailleurs sûrement choisi ce drôle de surnom pour marquer sa différence, car il est clairement une anomalie dans l’ambiance musicale actuelle. Guitare en bandoulière, il revendique ce retour aux sources et à ce genre musical qu’il aime.
Ce qui est frappant sur ce disque, c’est le son. D’une clarté et d’un classicisme étonnants, d’une part pour l’époque, mais encore plus de la part d’un gamin, dont certaines ballades jouées seul à la guitare témoignent d’une maturité stupéfiante. La voix de Jake Bugg est tantôt nasillarde, tantôt claire, mais toujours puissante et parfaitement posée sur l’ensemble des compositions. On doit la remarquable production de cet album au duo Mike Crossey (Two Door Cinema Club, Foals, Arctic Monkeys) et Ian Archer qui co-compose une grande partie des titres.
« Lightning Bolt » en ouverture, place le disque sur les meilleurs rails. Un son résolument « roots » mais d’une énergie contagieuse, qui donne des fourmis dans les jambes. Guitares acoustique et électrique presque désaccordées, batterie au son très clair, et voix haut perchée. Suivent « Two Fingers » ballade mid-tempo aux sonorités très anglaises et « Taste It » titre folk rock d’une maturité surprenante et remarquablement construit. Un riff de guitare entêtant ouvre le morceau avant que la machine ne s’emballe, encore une fois, portée par une batterie très efficace.
Toutes les chansons de l’album, sont simples, pour ne pas dire simplistes. Quelques arpèges de guitare, la plupart ne dépassent pas deux minutes, ballades folk minimalistes, dont les mélodies font mouche à chaque fois, la magnifique « Broken » en est le parfait exemple. Jake aime les choses simples et belles, et il n’y a pas de honte à cela. Pour lui, nul besoin d’envolées électriques à décoiffer le voisinage, pour faire passer les messages et partager sa passion. Il suffit d’écouter la très Dylanesque « Simple as This » ou la formidable « Trouble Town » pour s’en convaincre. Le rythme est assuré par une batterie réduite à caisse claire et cymbales, guitares et basse acoustique, et la voix nasillarde de Jake Bugg fait le reste. Remarquable d’efficacité, le genre de mélodie qui vous pénètre et vous accompagne longtemps.
Je ne citerai pas l’ensemble des titres, mais avec « Note for Self » ou « Slide », le petit Jake signe deux chansons puissantes qui s’imposent immédiatement comme de futurs classiques. Le dernier titre du disque qui craque comme s’il était gravé sur acétate, montre si c’était encore nécessaire que le jeune homme aime les sons roots, car on est plus proche d’un vieux blues joué par Robert Johnson que d’un titre enregistré par un gamin de 2013.
Pour une fois, je me fends d’une chronique concise, à l’image de la carrière naissante de Jake Bugg et de son premier album, mais l’adage « quantité n’est pas toujours synonyme de qualité » s’applique avec merveille pour cette œuvre. Incontestablement, Jake Bugg a frappé un grand coup pour cette première, et ce disque a marqué ce début d’année et amené un vent de fraicheur bienvenu. Reste à confirmer, avec le passage au second album si difficile.Vus son âge et la maîtrise déployée sur ce premier opus, nul doute qu’une longue et riche carrière s’annonce à lui. Attendons la suite avec sérénité.
El Padre