Interview – Les lignes droites
Il n’est jamais facile de conjuguer rock et langue française. Nombreuses sont les épaves de groupes qui se sont frottés à pareils récifs, avec pour résultat un avatar pâle et ridicule de ce que les Anglo-Saxons portent, eux, dans leur ADN. Les Lignes Droites s’en sortent miraculeusement, car leur musique est trop fine pour être caricaturale. Le nouvel album, Karl, affirme une personnalité dont on avait déjà aperçu les contours sur une poignée d’EPs et un premier album à la mélancolie toute électrique. Sorti fin janvier, il s’annonce déjà comme un incontournable de ce début d’année.
« Pour la petite histoire, j’ai eu 2/20 au chant, ce qui est un minimum pour le diplôme de fin d’étude. 1 tu te présentes, 2 tu chantes. Après, j’ai dit que je serai chanteur. »
Quel est votre background musical ?
Bruno Ronzani (chant, guitare) : Mes parents m’ont mis au conservatoire quand j’avais 5 ans. J’ai fait du piano, je n’étais pas très bon. J’ai quand même continué jusqu’au bout en redoublant pas mal de fois et j’ai fini par avoir mon diplôme de piano et d’écriture musicale, ça m’a un peu sauvé. Pour la petite histoire, j’ai eu 2/20 au chant, ce qui est un minimum pour le diplôme de fin d’étude. 1 tu te présentes, 2 tu chantes. Après, j’ai dit que je serai chanteur.
Tu as chanté quoi ?
BR : Je ne sais plus, c’était plein d’exercices et c’était en allemand probablement… Puis, j’ai commencé à faire des groupes de rock quand j’étais au collège et c’est d’ailleurs là que j’ai rencontré Gabriel qui joue du synthé avec les Lignes Droites. Depuis, j’ai fait de la musique en groupe jusqu’à mes 22/23 ans, et puis je suis monté à Paris et j’étais tout seul, donc j’ai fait un album de chanson française tout seul. Je recherchais des musiciens et je suis tombé sur Mathieu par hasard, et là, on a formé les Lignes Droites.
Entre le conservatoire et le fait de jouer dans un groupe de rock, tendance guitare, qu’est-ce qui t’a donné envie ? Tu as vu le clip de « Smells Like Teen Spirit » et tu t’es dit « c’est ça que je veux faire » ?
BR : Non, je vois très bien comment ça s’est passé. J’étais en classe musicale, on était dispensé de flûte et de tout ce genre de trucs, les cours consistaient à mater des films comme Farinelli, et deux fois par ans quelqu’un venait nous présenter son instrument. En 5e, Emmanuelle Veith a présenté la guitare. Moi, j’étais au piano et je me suis dit : « C’est trop bien ce truc ! ». J’ai chopé une guitare, ça m’a trop plu, et j’ai tout de suite monté un groupe après ça. Le premier morceau qu’on a repris était « Zombie » des Cranberries. Ensuite, on a joué dans une fête du collège en 4ème.
Vous avez repris « Where is My Mind » ?
BR : Totalement.
C’est obligatoire. Et sinon « Un jour en France » ? « L’homme pressé » ? Des standards de fin d’années.
BR : Je ne sais pas si on l’avait joué, mais on l’avait bossé « Un Jour en France ». À partir de là, j’ai acheté une guitare électrique et c’était parti.
Et toi, Mathieu ?
Mathieu Weiler (guitare) : Moi, c’est un petit peu différent. Mon frère jouait de la basse, il était plus âgé que moi, il devait avoir 15 ou 16 ans, et moi 13, j’étais le petit dernier et je voulais raccrocher les wagons. C’est là que j’ai dit que je voulais une guitare. On m’a dit : « Oui, mais il faut que tu prennes des cours ». J’ai pris un premier cours, et j’ai dit à mes parents que je ne voulais pas continuer parce que je voulais tout de suite faire mon Jimi Hendrix et le prof m’avait dit « Non, ce n’est pas comme ça que ça se passe ». J’ai décidé de tout faire tout seul, tranquillement dans mon coin. Puis, au collège et au lycée, j’ai eu des groupes. Ensuite, je suis parti à Bruxelles où j’ai eu pas mal de petits groupes. En entrant aux Beaux-Arts, j’ai commencé à mettre toute mon énergie créative dans la peinture. Quelques années plus tard, j’ai quand même repris la guitare et j’ai croisé Bruno. Je lui ai dit « Moi je fais du rock, je suis autodidacte. On ne va pas s’entendre, t’as fait le conservatoire ».
Vous avez commencé directement avec les Lignes Droites ?
BR : Exactement. C’était dans un parc de Bercy pour pique-niquer avec des copains. C’était le jour du concert de Jay-Z et de Kanye West. J’avais un ballon, je jouais avec des potes. Là, je vois un mec qui sort une guitare, et je ne sais plus qui lui dit un truc du genre : « Tu vas nous refaire « Jeux Interdits » ? » un peu moqueur, et moi je dis « Pas du tout, ce mec a l’air extrêmement rock, il va au moins nous faire « Nothing Else Matters ». » On a ricané, et une demi-heure après, je me suis dit qu’il avait l’air sympa et j’ai été le voir. Il m’a dit « Toi, tu veux faire de la guitare. » Je lui ai dit « Non, je voudrais que ce soit toi qui en fasses. J’ai mon projet, je cherche un guitariste. » Il m’a dit « OK, je viens chez toi dimanche »… Il est venu et on ne s’est plus quittés. L’idée, au début, c’était qu’il m’accompagne sur mes chansons, mais il a pris un tel espace qu’on s’est dit qu’il fallait que ça devienne un groupe.
MW : Moi, c’est un peu la même histoire. Reprenant la musique depuis peu et sachant que c’est toujours chiant le mec qui ramène tout le temps sa guitare, c’est un truc que je ne fais jamais. Et là, comme un appel, j’avais pris ma guitare avec moi ce jour-là et je savais que ce n’était pas normal, qu’il y avait quelque chose de bizarre. J’avais donc ma guitare avec moi et il s’est passé ce qui s’est passé…
Un album ou un groupe qui t’a marqué ?
MW : Je suis un grand fan de Pink Floyd et je prends tout le package. J’écoute plein d’autres choses, mais je suis un pinkfloydiste maladif.
Et donc pour en revenir à notre rencontre avec Bruno : il me parle de sa voisine, Lola, et le projet a muté avec elle, qui aujourd’hui est la bassiste de Pogo Car Crash Control. Gabriel, à l’époque, tenait la batterie, et c’était la première mouture des Lignes Droites.
C’est à ce moment-là que vous avez sorti votre premier EP, Pour que la nuit passe ?
MW : On a plutôt accompagné l’album solo de Bruno. Ensuite, on a beaucoup discuté, on s’est demandé ce qu’on allait faire. L’idée initiale, c’était comment faire sonner le français en faisant du vrai rock. À l’époque, c’était moins accepté que maintenant. Puis, on a sorti un EP et deux albums.
Quand avez-vous enregistré le nouvel album, Karl ?
MW : On a fini d’enregistrer la musique le jour du premier confinement.
Pourquoi l’avoir appelé Karl ? Vous vous situez où entre Karl Marx, Karl Popper et Karl Lagerfeld ?
BR : Karl, ça vient d’un délire que j’ai eu. Je me suis dit qu’on était tous des Karl. J’ai imaginé ce mec un peu parano qui pense qu’on est tous définis par des Karl ou qu’on se situerait tous entre des Karl. Il y en a beaucoup. On a choisi Marx, Popper et Lagerfeld, mais il y en avait évidemment beaucoup d’autres. Personnellement, je choisis Popper.
MW : Mon préféré, c’est Marx.
« On n’a pas encore réussi à faire transpirer l’énergie live sur disque. Ce sont des choses séparées, donc ça me va très bien, mais un jour, j’aimerais bien qu’on le tente et qu’on y arrive. »
Sur la forme, je trouve cet album plus dur et agressif que ce que vous aviez fait auparavant. C’était une démarche en réaction à ce que vous aviez fait avant, ou une volonté de continuité par rapport à vos performances live qui sont beaucoup plus enlevées ?
MW : Sur notre disque précédent, Heusden Zolder, on a défini plusieurs pistes, et sur ce nouvel album on a décidé de pousser toutes les pistes. Il y avait un morceau rock qui s’appelait « Rêve Avéré », et à partir de là, on a essayé de faire des morceaux un peu plus tranchants.
On a aussi essayé de faire des prises de son plus live, et ça a ajouté énormément à l’agressivité.
Oui, je le trouve très intéressant au niveau de son. En terme de chant, j’ai aussi l’impression que tu tentes plus de choses : des textures et voix différentes, notamment. Enfin, j’ai le sentiment d’entendre davantage la guitare.
MW : On a eu Léo Spiritof pour le mixage. Il a fait un gros boulot. Ça reste différent du live, mais il y a cette empreinte.
BR : C’est intéressant ce que tu dis sur la voix parce qu’on arrivait en studio et je commençais à être assez chaud. Parce que je pars de très très loin avec mon 2 sur 20. Je ne suis pas à l’aise avec ma voix, et j’essaye encore de trouver… ma voie/voix. Je commençais à être un peu content, quand on est rentrés en studio, et là, bam ! Confinement, sans avoir fait les voix… Je passe deux mois sans parler à personne. Après, je fais enfin les prises, et c’est horrible. Ensuite, je suis allé au studio tous les jours et je ne m’en sortais pas du tout, mais il y avait des choses que j’avais envie de tenter sur ce disque, des prises de voix, que je n’ai pas réussi à faire, et c’est ce qui donne ce résultat un peu hybride avec plusieurs couches qui se superposent.
Oui, j’ai l’impression que tu tentes des trucs, pas forcément faciles à l’oreille, d’ailleurs.
BR : Oui, ça a été beaucoup de travail pendant le confinement. J’avais un peu que ça à foutre aussi, et je me suis un peu focalisé là-dessus, mais ce n’était pas l’idée initiale. On avait fait de belles démos, en décembre, on était super contents des voix, mais je n’ai pas réussi à les refaire au moment de l’enregistrement du disque. Finalement, je suis très content, ça change. Il y a pas mal de chansons où il y a beaucoup de prises de voix.
Je ne dirais pas qu’il est meilleur ou moins bon que les précédents, mais il est franchement différent. Je trouve qu’il contient plusieurs singles potentiels.
MW : Oui, on en est très contents. Le précédent était plus une base pour nous, une rampe de lancement pour celui-ci, qui est plus tranchant.
Pourtant, il y a encore un gap par rapport à vos lives.
MW : Qu’on va tenter de combler pour le prochain ! (Rires)
Bruno, tu hurles sur scène, par exemple. Tu ne le fais pas du tout sur disque.
BR : Oui, mais ça ne passe pas encore, en fait.
Parce que tu ne le sens pas ?
BR : Oui, ça ne rend pas, je n’aime pas le résultat. Mais un jour, peut-être que ça passera. On n’a pas encore réussi à faire transpirer l’énergie live sur disque. Ce sont des choses séparées, donc ça me va très bien, mais un jour, j’aimerais bien qu’on le tente et qu’on y arrive.
MW : L’idée aussi pour le prochain, c’est de faire un peu le processus inverse. Faire les maquettes et tourner, avant d’enregistrer l’album.
À propos de live, vous avez un tourneur ?
BR : On commence à bosser avec Antoine d’Öctöpus, qui est aussi une sorte de manager pour nous, et c’est assez agréable. Ce qu’on veut, c’est vraiment jouer. On adore être sur scène. Avant le Trabendo, ça faisait un an et demi qu’on n’avait pas joué.
J’aime beaucoup vos textes. Ils ne sont pas didactiques. Vous ne chantez pas des slogans. Ça reste à hauteur d’homme. À ma hauteur, en tout cas. Etes-vous influencés par un auteur en particulier ? J’ai entendu une réflexion pendant un concert qui m’a paru évidente.
BR : (rires) Je vois à qui tu fais référence. Tu as entendu le nom de Michel Houellebecq dans le public, c’est ça ?
Oui. Même avant, dès que j’ai entendu le mot « sérotonine », « Mickey Mickey », je me suis dit : « Est-ce que c’est ça ? »
MW : Plus sur les albums d’avant. Sur celui-ci, moins.
Vous avez joué « Mickey Mickey » au Trabendo, et une fille derrière moi a sorti « Comme le livre de Michel Houellebecq ». Et je me suis demandé si vous vous nourrissez de ce ce type de littérature pour construire vos textes ? Lisez-vous beaucoup ?
MW : Au début du projet, avec Bruno, on se disait que pas mal de textes français partent de la poésie du XIXe. Ce sont des génies, Rimbaud, Maïakovski (NdR : XXe)… et Thiefaine, Noir Désir s’en sont inspirés. On s’est dit qu’il y avait moyen, dans l’imaginaire contemporain, d’avoir des textes références. Il y a de grands auteurs aujourd’hui. Et il y a un très bon album de chanson française de Houellebecq, et pour nous, c’était une sorte de piste. C’est un album qui vieillit très bien. On s’est donc dit que les textes contemporains étaient dans notre corpus littéraire. Sur le dernier album, on a eu cette discussion et on est allés vers des mots plus courts.
BR : Des textes davantage ciselés, aussi.
« On a « dé-Houellebecquisé » nos textes, on a fait des phrases beaucoup plus courtes, avec des mots plus courts, un peu moins poétiques, un peu plus tranchés. Ça accentue le côté percutant. »
Vous les écrivez à deux ?
BR : Oui.
MW : Sur celui-là, il y a pas mal de Bruno.
BR : Mais c’est vraiment du ping-pong.
MW : Et là on a « dé-Houellebecquisé » nos textes, on a fait des phrases beaucoup plus courtes, avec des mots plus courts, un peu moins poétiques, un peu plus tranchés. Ça accentue le côté percutant.
BR : Pour la petite histoire, dès qu’on s’est rencontrés, Mathieu m’a offert les poèmes de Michel Houellebecq, que je ne connaissais pas du tout. Je suis très fan à la base, donc ça a forcément infusé dans les textes de cette époque. Là, notre façon d’écrire a quand même pas mal changé, même si ça reste, au fond, une influence. Je réalise aujourd’hui que le monde de Houellebecq est déjà un monde mort. Tu vois, je suis informaticien, dans le civil, et l’informaticien dont il parle, ce n’est pas moi. Le mec des années 90, sexuellement malheureux, on est déjà dans autre chose.
Non mais toi, t’es chanteur de rock.
BR : (Rires) Oui, mais mes collègues informaticiens ne cochent pas les cases des clichés de Houellebecq, et je pense que son monde est déjà le monde d’avant. Je pense qu’on peut parler du monde actuel, et que pour le faire, les phrases de Houellebecq ne sont pas forcément les meilleures. Même si je l’adore toujours.
Ma question avait trait surtout à l’inspiration.
MW : Oui, on a fait aussi un peu de cut-up, sinon.
Les Champs Magnétiques des Lignes Droites ?
MW : Ouais.
BR : On n’a pas trop d’égo quand on bosse sur la musique et les textes. Mathieu et moi, on se dit des trucs très cash, sur ce qu’on fait, donc on coupe assez facilement quand quelque chose ne va pas.
MW : Concernant les textes aussi, je voulais dire qu’il y avait des thématiques sous-jacentes. C’est un peu con, mais par exemple, il y a l’écologie dans « Dans la Chaleur », « Des Eaux, des Lacs », et d’autres… donc on a mis des choses un peu souterraines, un peu cryptées. Sans slogans comme tu disais.
Vous allez faire la première partie de Michel Cloup & Pascal Bouaziz, qui vont présenter leur projet A La Ligne à Petit Bain. C’est tiré du livre de Joseph Ponthus et c’est une œuvre poétique et politique. Ce n’est pas le même univers, et pourtant la soirée est cohérente.
BR : Ça fait longtemps qu’on nous rapproche de cette scène. Moi, quand je suis arrivé, je ne connaissais pas Diabologum et on nous a tout de suite dit que ça ressemblait à ce qu’on faisait. Après, j’ai écouté, ça m’a plu. J’ai vu plusieurs fois Bruit Noir en concert, et les gens qui viennent nous voir vont aussi voir Pascal Bouaziz, donc oui, je vois une certaine cohérence.
MW : Moi, je suis un grand fan de Mendelson, donc quelque part, ce sont des grands frères, des aînés. C’est très différent, mais c’est la même équation et pas le même résultat. C’est les mêmes ingrédients.
J’ai lu dans plusieurs articles qu’on vous raccrochait au style post-punk. Aujourd’hui, j’ai l’impression que tout le monde est post-punk. T’as une guitare, t’as un clavier, t’es post-Punk. Et je ne suis pas sûr de l’entendre dans votre musique.
MW : « Tous des Karl » fait penser à Wire, quand même. Je pense que c’est un groupe qui a toujours été un petit peu là. Ce n’est pas totalement absurde, au moins à nos oreilles. On en écoute, en tout cas.
Donc ça ne vous dérange pas d’être catalogués post-punk ?
MW : Non.
BR : Tu sais, on a déjà été catalogué rock psyché.
L’album sort sur votre label. Vous pouvez m’en parler ? C’est votre label à tous les deux ?
BR : On avait déjà un label avant, qui s’appelait Extension. C’était une association.
MW : Extension du Domaine de la Lutte, on y revient.
Aujourd’hui, c’est Velours, c’est ça ?
BR : Oui.
Pour moi, c’est une référence au Velvet. J’ai tout de suite pensé à ça.
BR : Oui, mais c’est aussi un mot que j’aime beaucoup en français. Et par exemple, il y a le rideau en velours du Chair de Poule (NdR : bar parisien), celui dans la black lodge (NdR : de la série Twin Peaks). On utilise la police de caractère du Velvet aussi.
Il existe depuis longtemps ?
BR : C’est une société créée en 2019. Il a vocation à produire d’autres groupes que les Lignes Droites. L’idée c’est de les financer, via des activités commerciales de prestations informatiques. En tant qu’informaticien, je peux facturer ce que je fais, et cet argent sert à financer nos disques. J’aime faire ça, ça me fait marrer.
Vous avez déjà sorti quelque chose ?
BR : Non, notre première sortie sera l’album des Lignes Droites. Après, il y aura d’autres choses : Shoemalegaze, un duo qu’on a avec Mathieu. Un projet un peu plus électro, et un autre, pour le coup, carrément post-punk. Ensuite, j’espère pouvoir aider et faire de la coproduction. Là par exemple, j’ai vu Petit Bureau dans un festival où c’était le seul truc de potable, et je suis allé les voir pour leur dire qu’on peut apporter notre pierre à l’édifice. C’est ça l’idée du label. On reste une bande de copains, mais ça m’excite assez, je ne te le cache pas.
Et Shoemalegaze alors ?
MW : Shoemalegaze, c’est le miroir inversé des Lignes Droites, c’est moi qui chante, c’est en anglais et c’est effrayant.
BR : C’est très méchant, ouais.
MW : Ouais, c’est très sale.
Cool, j’ai hâte d’écouter ça. Pour finir, j’aimerais que vous me parliez de la pochette. Elle est superbe.
MW : C’est l’œuvre d’un artiste belge qui s’appelle Panamarenko.
BR : On file la métaphore flamande (NdR : écouter « Heusden Zolder »). L’idéal flamand.
MW : Pendant le confinement, quand on réfléchissait à ce qu’on voulait pour la pochette, on rêvait un peu, autour de cet album-là. Et Panamarenko crée des machines utopiques. Des sortes de soucoupes volantes qui ne volent pas vraiment. Des hommes qui s’envolent, des sous-marins… Ce sont des objets utopiques et on trouvait que c’était une bonne définition de l’album. On a choisi un genre d’UFO utopique. Une fois qu’on a eu l’image, pour tout le groupe, c’était presque une évidence. Panamarenko est un artiste très connu, mort il y a quelques années. Il est dans tous les musées et évidemment, on s’est dit qu’il y aurait des problèmes de droits, et on a enquêté.
BR : En parallèle, on a bossé sur plein d’autres pochettes. On en avait une, c’était ma tête dans un sac en papier. Pas du tout le même genre. Pour celle-ci, on a envoyé des mails, on a appelé des galeries (en anglais). On a trouvé des bouquins de Panamarenko dans le 2ème et on rêvait d’avoir les droits de cette image. On a fini par contacter le mec qui a fait la photo, mais il ne nous a pas répondu. On était déprimés. On s’est même dit qu’on le tenterait sans rien demander, au pire.
Un soir, je rentre très tard. Je ne sais pas pourquoi, je retourne sur Google Image. Je tombe sur un autre photographe, pas celui qui était supposé avoir pris la photo, vu qu’on l’avait contacté et qu’il ne nous avait pas répondu. Celui-là répond tout de suite à mon mail et me dit qu’il est l’auteur de la photo et que le lendemain il rencontrait les ayants droit de Panamarenko. Il nous a dit que le projet lui plaisait et qu’il leur demanderait l’autorisation d’utiliser cette image. Trois jours après, il m’écrit pour me dire qu’ils sont d’accord. On nous a facturé le minimum. Ils souhaitaient juste pouvoir valider la pochette, et avoir un exemplaire du vinyle.
Cool ! C’est génial comme histoire.
Ça a été la grosse teuf. Parce que tu vois, après celles de Pink Floyd, les plus belles pochettes sont quand même celles de Sonic Youth. Ils prennent des artistes comme Richter, Petibon. Ce ne sont que de grands artistes, et on y est. On est à la hauteur du truc.
Interview réalisée par Max
L’article est paru initialement dans notre premier fanzine, toujours disponible sur commande et chez certains disquaires (Music Fear Satan, Balades Sonores, librairie Parallèles à Paris, Total Heaven à Bordeaux).