Interpol @ Philharmonie de Paris, 05/07/23
Le festival Days Off nous promettait de belles soirées dans un cadre prestigieux, un lieu unique rarement réservé aux concerts de rock : la Philharmonie de Paris. D’extérieur déjà, le bâtiment en jette. Certes, ce n’est pas l’Harpa de Reykjavik mais quand même, la Philharmonie de Paris semble tout droit sortie de l’espace et exerce une fascination magnétique sur ceux qui l’observent. De près, on a comme l’impression qu’une nuée d’oiseaux recouvre sa façade. On espère que la réputation de son acoustique parfaite sera justifiée pour l’ensemble des concerts de ce festival. Du 29 juin au 8 juillet s’enchaine ainsi un beau programme avec notamment Kevin Morby, José González, Thylacine et les très attendus Sigur Rós entourés du London Contemporary Orchestra qui ont certainement fait honneur à la beauté des lieux.
Pour cette 7ème journée du Days Off, c’est avec notre plus belle tenue que l’on se rend donc à la Philharmonie car dress code oblige, c’est Interpol. Costard et lunettes de rigueur. Pratique pour leurs fans banquiers qui sortent du taf.
À l’entrée, j’entends que certaines personnes suivent le groupe sur plusieurs dates. Après tout, certains font bien de même pour Pearl Jam et Caspian… Je peux donc les comprendre même si Interpol ne doit pas être le genre à changer de setlist tous les quatre matins. Le programme de ce soir se révèle tout de même différent du reste de la tournée car les New-Yorkais ont prévu d’interpréter l’album Antics dans son intégralité et ça franchement, ça vaut le déplacement. D’autant qu’il s’agit de l’unique date de leur tournée européenne (qui en comptabilise vingt-neuf) à se voir réserver ce traitement privilégié. Une légère crainte toutefois : lorsqu’Interpol avait joué son premier album, Turn on the Bright Lights, en intégralité au Trianon de Paris, Paul Banks s’était montré en petite forme. Le concert s’était révélé sans âme même s’ils avaient joué TOUTES mes préférées (forcément…). Espérons que Paulo soit d’aplomb et d’humeur ce soir.
D’une rare élégance, l’intérieur de la salle Pierre Boulez impressionne. On imagine sans mal un volume sonore indécent les soirs de concerts de musique classique. On joue des coudes pour se placer dans les premiers rangs, excentré sur la droite, et c’est parti pour le set d’Antics. Costard pour tous. Lunettes pour Banks. La salle est comble, le public chauffé à blanc. Les New-Yorkais tiennent parole et les premières note de « Next Exit » retentissent. Je n’ai jamais aimé ce morceau. Le lieu s’y prête bien finalement, le son se révèle puissant et parfaitement équilibré. Mon titre ultime de ce disque se situe en quatrième position de la tracklist. Je trépigne d’impatience mais serai vite exaucée puisque les bougres exécutent les trois premiers morceaux en toute hâte… La voilà ! « Take You on a Cruise ». Je vibre dès les premières notes de guitare alarmantes de Banks. Le son est fabuleux ! L’enchainement, bien que prévisible, avec « Slow Hands », se révèle jouissif. Le morceau est exécuté avec un indéniable dynamisme, peut-être même un peu trop tant il peut sembler vite expédié. Et ça défile quand soudain toute la fosse crie à l’unisson « IT’S WAY TOO LATE! » C’est déjà « C’mere » et c’est reparti, renversons gaiement notre bière partout sur le sol immaculé de cette superbe salle. D’où je suis, j’entends que dalle du chant de Banks, couvert par un public en mode karaoké. Preuve si besoin était que ce disque est sans conteste un classique des années 2000. « A Time to Be So Small » qui clôture l’album n’avait pas été joué en live depuis quinze ans. Les fans psychopathes en quête du morceau rare ont dû être ravis.
Petite pause et « Lights » ouvre le second set, d’une courte durée (environ 30 minutes) mais redoutable d’efficacité. Issu d’El Pintor, « My Desire » fait toujours son petit effet en live. Et que dire de « Pioneer to the Falls », aussi intense qu’envoutante, avec ce break où Paul chante seul, sans le moindre instrument. Ce silence de toute la salle à cet instant-là… Magique ! Dans le lot final, on aura droit à trois titres du tant apprécié Turn on the Bright Lights dont « PDA », l’immense tube du groupe pour clôturer ce live. Ces musiciens tirés à quatre épingles savaient composer de grands disques et malgré quelques réserves émises par certains sur le jeu un peu approximatif du batteur et quelques morceaux pouvaient parfois sembler bâclés, je n’ai personnellement pas boudé mon plaisir.
« Sleep tight, grim rite » telle est la douce berceuse que chantonne Paul, mais non, nous n’irons pas nous coucher de sitôt car la soirée n’est pas finie ! Elle se poursuit au Silencio Club où Monsieur Banks joue les DJ pour une after party officielle en sa compagnie. L’entrée étant gratuite, on se laisse tenter. On a pu observer Banks de très près mixer du son affreux. Quelques chanceux ont pu se faire dédicacer leurs vinyles d’Interpol bien que le chanteur ne semblait pas ravi de devoir s’y coller. On ira finalement se coucher tôt, satisfaits d’avoir pu entendre Antics dans son intégralité, quelques années après Turn on the Bright Lights, pour une expérience bien plus convaincante cette fois.
Emilie Trindade
Setlist : Première partie : Antics
Next Exit – Evil – Narc – Take You on a Cruise – Slow Hands – Not Even Jail – Public Pervert – C’mere – Lenght of Love – A Time to Be So Small
Deuxième partie : Lights – Obstacle 1 – My Desire – Toni – Pioneer to the Falls – Roland – No I in Threesome – PDA