Hammered Hulls – Careening

Publié par le 13 décembre 2022 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Dischord, 28 octobre 2022)

Quand on aime, on compte. 1,2,3 (REPEATER! Calme-toi, gamin. Mais c’est l’esprit)… 4,5,6. Oui, facile 6 fois d’affilée qu’on se le repasse. Il faut bien ça. Et puis, on compte, on recompte et on fait les frais à la fin. Tout ça, ce sont bien des tubes. Tout ça, ça suinte d’une énergie incontrôlable. L’essence de Dischord est parfaitement restituée. Voici donc Careening. Mark Cisneros (de Kid Congo Powers, The Make-Up…), Alec MacKaye (Faith, Ignition, et petit frère de, évidemment), Mary Timony (Helium, Autoclave, Ex Hex) et Chris Wilson (Ted Leo, Titus Andronicus) se connaissaient sans se connaitre, se regardaient sans se frotter les uns aux autres. Et tous les quatre se sont enfin accordés (enfin, façon de parler) en 2019, pour fonder Hammered Hulls, signer un premier EP, concrétisé il y a peu par ce long format, ultime enregistrement dans le mythique Inner Ear Studios. Pour superviser le tout : le grand frère Ian, patron du label et du post hardcore, et Don Zientara, maitre des lieux. Pour un dernier disque, ça aurait pu plus mal tomber. Pour leur premier, c’est inespéré. Il eut été impardonnable que l’éléphant accouche d’une souris. Et en y regardant de plus près, le mastodonte a donné naissance à au moins aussi imposant que lui : son dément, sautillant à mort, dissonant, tranchant, proprement irrésistible. La crème du post hardcore. Ça frétille en tous sens, ça groove frénétiquement, ça rompt brutalement, ça brise des vertèbres à l’occasion.

Avertissons tout de même : certains morceaux rendent taré. ZINZIN. C’est le cas notamment de « Rights and Reproduction » qui d’emblée désarçonne puis mène à l’hystérie lors de ce pont dantesque à mi-chemin « we can walk around now. HEY! RIGHT! » Les sursauts cèdent place à l’euphorie. On ne tient plus, on sait pertinemment que ça va péter. Et que se passe-t-il ? Dans le mille.

Il y a également cette basse FOLLE de « Needlepoint Tiger » qu’on pourrait bien écouter tourner tout l’album et ne tient même pas une minute en place. Mais elle revient et nous voilà bien. Des morceaux comme « Bog People » ou « Hardest Road » se montrent résolument offensifs, bien punks sur les bords, sans perdre en créativité (le jeu de batterie subtil sur « Bog People »). Certains donnent l’impression d’être déjà connus de tous et chantés par le frangin (« Pilot Light »). Dans le jargon, on appelle ça des classiques instantanés.

« Abstract City », merveille absolue, verse davantage dans le cérébral que dans l’instinctif. Mary Timony, clairement pas venue pour sucrer les fraises, provoque un gémissement interne sur chaque note de basse et la gratte en fusion souligne le tout. Vous vous souvenez du « For your Entertainment » d’Unwound ? Evidemment ? Il y a un peu de ça ici*. Jouissez désormais.

Poncé sans la moindre modération, avec la plus grande exagération, Careening semble pourtant conserver jalousement quelques secrets qu’il nous dévoilera quand il le souhaitera et que l’on s’y attendra le moins. On voit bien qu’un « Written Word » dispose de ressources insoupçonnées, par exemple. « You gotta hammer them all! » Mais oui, allons-y gaiement. Pour le moment, il se contente simplement de nous procurer de la joie par intraveineuse. Rien que ça. Est-ce qu’on n’en aurait pas tous besoin ?

Jonathan Lopez

*« Un peu », ok ? Nous n’accepterons aucune réclamation.

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