Fvnerals – Let the Earth Be Silent

Publié par le 20 mars 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Prophecy Productions, 9 février 2023)

Qu’attendre d’un disque si ce n’est d’échapper aux habituels raccourcis élégiaques avec des métaphores abusives ? La musique tourmentée de Fvnerals se déploie en permanence comme une lame de fond jusqu’à l’étrangeté d’un rubicon infranchissable. Troisième album, Tiffany Ström s’est entourée du guitariste Syd Scarlet, et pas l’espoir d’une lueur au regard de la pochette signée Anton Novozhilov, la sensation glaciale de marbre est d’autant plus un marqueur, la stase de remous intérieurs.

Le synopsis de Let the Earth Be Silent est dans la lignée du précédent album sauf qu’ici tout semble se passer au ralenti avec une tension parallèle. Bien que cette pesanteur soit le moteur de cet album, la soudaine ascension musicale prend comme par magie à tous les niveaux avec comme incontestable firmament « Descent », des nuages se répandent des entrelacements noueux de racines formant une enveloppe nocturne dans laquelle, recroquevillé, on se sent protégés.

Depuis MYYTHS, duo initié en 2014, Fvnerals a dépassé le cadre de l’ambient, avec la même année, la parution de The Light, dont Vakna illustrait la magnificience ténébreuse qui allait matérialiser cet univers tourmenté. Le panorama d’une mélancolie profonde, offrant tous les paradigmes possibles. Wounds renforçait encore ce désarroi, creusant encore dans les abîmes de l’âme.

Let The Earth Be Silent c’est l’hiver qui nous hante, ses brumes, ses blessures cachées, les entailles sur la peau. Les titres sont plus laconiques, « Yearning » en devient même insaisissable tant la beauté se mêle au charbon, Tiffany marche sur une brèche d’ébène au dessus d’un lac glacial. Le silence existe encore, en dessous, c’est un autre univers où l’on se perd, le nôtre peut-être. Il faut écouter Fvnerals dans des conditions idéales, de nuit de préférence, dans son intégralité. Vient alors ce besoin, celui de s’étourdir, de s’attarder sur chaque composition comme si le temps se figeait, prisonnier du givre. Même si l’impression de l’album est l’évocation d’un cauchemar, il s’agit avant tout d’une quête vers une transcendance effroyable, sur notre propre condition humaine. Une étreinte avec le vide qui nous tend sa main. Certes, les titres s’étirent, décollant lentement, où se greffent des percussions funèbres. Il n’en demeure pas moins que ce disque est une exception dans le paysage musical noyé par toutes sortes de distorsions, de riffs impétueux. Fvnerals parvient à chanter la dévastation tout en nous défiant du regard.

Franck Irle

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