Fuzz – III
Fuzz revient en 2020 pour un troisième album en 7 ans. Presque une éternité pour le stakhanoviste Ty Segall que l’on retrouve ici à la batterie. Artisan en chef d’un des plus beaux albums des années 2010 (Manipulator en 2014), il assouvit avec ses 2 acolytes de Fuzz (Chad Ubovich et Charlie Moothart), une obsession pour un heavy rock des origines, bien gras (tendance 70’s, pas trop loin de Black Sabbath) mais non dénué de la touche garage ou psyché qu’on lui connait en solo.
Alors quoi de neuf sous le soleil confiné de 2020 ? À la vue de la tronche des 3 lascars sur l’artwork, bien moins réussi que les précédents, Fuzz semble prêt à en découdre. Et a donc décidé de confier les manettes de son nouvel opus à Steve Albini, pas réputé pour faire dans l’enluminure pop. Choix payant au vu du résultat. Le son est massif, la batterie claque et dès la première minute de « Returning », on a vite envie de monter le niveau sonore pour en profiter pleinement d’autant qu’on est privé depuis un moment de l’adrénaline d’un bon live. Au-delà de la qualité intrinsèque des morceaux (on va y revenir), la patte Albini rend justice à la musique du trio. Avec 3 premiers titres qui tiennent en à peine 10 minutes, Fuzz fonce tête baissée. On a le droit de préférer la variété de « Nothing People » (l’intro de basse, les riffs, la rythmique frondeuse, le solo) ou le stoner segallien de « Spit » au monolithique et inaugural « Returning », qui pose avec fracas le décor mais qu’on aura (peut-être) oublié dans 3 mois. Avec le bien nommé « Time Collapse », morceau de bravoure étalé sur 6 minutes, Fuzz ralentit le tempo et d’un riff traînant se réapproprie son terrain de jeu. Un heavy rock lourd et lent, plus fidèle à ses 2 premiers albums. Et après 3’30, alors que le rythme s’accélère, une escapade de guitare sous psychotropes dans un trip du plus bel effet. « Mirror » renoue ensuite avec le format court pour une cavalcade tambour battant purement 70’s (le petit riff vintage) pas forcément transcendante. La fin de l’album est proche et heureusement les trois derniers titres me laisseront une meilleure impression de l’ensemble. Est-ce un hasard ou est-ce parce que « Close Your Eyes » ou « Blind To Vines » sonnent furieusement comme des titres solos de Ty Segall ? Sans doute, notamment au niveau du chant, mais le final frondeur du premier est réussi tandis que le second nous ramène avec plaisir à Manipulator. Avec un petit solo et une outro bien speed. Pour terminer, les 8 minutes de « End Returning », lequel reprend sur la dernière minute le final du premier titre, « Returning » (faut suivre). Pas forcément une riche idée niveau créativité mais c’est bien amené. Et le reste vaut sacrément le détour. Guitare festival sur la belle intro de presque 3 minutes (!), un des refrains destructeurs de l’année avec Ty Segall qui hurle et cogne ses fûts comme un beau diable. Pour un peu, je tombais de la chaise.
Voilà le Fuzz comme on l’aime. Aventureux, surprenant, furieux… mais force est de constater que l’album est très court (8 titres pour 36 minutes) et que les divagations psyché sont trop rares pour faire oublier durablement les 2 premiers albums. La production d’Albini offre une puissance de feu certaine à la musique de Fuzz, et c’est une des réussites du disque à mon sens, tant le groupe « sonne » bien. Fuzz de paille alors ? (vous l’avez ?). On n’ira pas jusque-là, tant on aime le riff et ce son gras 70’s des origines. De toute façon, Ty Segall revient bientôt…
Sonicdragao