Frise Lumière – Ambo

Publié par le 22 novembre 2024 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Tapenade Records, 18 octobre 2024)

Avant d’être le groupe préféré de votre pote le plus chelou, le Bauhaus était une école d’architecture et d’arts appliqués fondée par Walter Gropius qui en fut le premier directeur, avant de céder sa place à Hannes Meyer, puis à Ludwig Mies van der Rohe, un architecte ambidextre connu pour être à l’origine de la formule Less is more.

Ce n’est pas du Edgar Allan Poe, certes, même si ça rime, mais ça illustre parfaitement ce à quoi il faut s’attendre à l’écoute du deuxième album de Frise Lumière, Ambo.

Less is more, donc… Une basse, rien d’autre, et pourtant.

Depuis que j’ai assisté à la représentation de Frise Lumière sur la scène mythique du Chair de Poule, la musique de ce one-man band atypique m’obsède littéralement et il ne se passe pas deux jours sans que je n’y retourne avec une avidité qui me surprend moi-même. Il en va de Ambo comme d’un tableau devant lequel on bade sans savoir si on l’aime ou pas. On est là, vierges des codes et dépourvus des références que le moindre étudiant aux Beaux-Arts nous cracherait à la gueule avec cet air satisfait qu’on lui connaît. Nous ne savons pas, nous ne comprenons pas, et pourtant ça nous renverse et nous embrase. 

J’aime quand une musique me prend par surprise. Il y a, dès lors, une sorte d’évidence qui me submerge et j’ai l’impression trompeuse, pendant cinq minutes, que les choses ont un sens et que je fais partie du truc. Ces moments sont devenus tellement rares que je les recherche comme des vertiges. La musique de Frise Lumière cristallise d’une certaine façon cette sensation. Doucement, modestement, elle envahit petit à petit tout l’espace et une fois que l’on réussit à en capter la fréquence, c’est tout un ensemble de nuances et de couleurs qui s’offrent à nous. 

Ludovic Gerst, l’homme derrière le nom, évite l’écueil de la virtuosité ostentatoire, certainement très tentante pour un musicien aussi doué, avec une élégance qui l’honore. Il joue sur les textures et sur l’éventail de sons que lui offre son instrument, en contournant son utilisation habituelle par une approche percussive qui révèle des sonorités et des harmonies insoupçonnées et déroutera certainement l’auditeur qui s’attendait à entendre un disque de bassiste tel que Mike Watt ou Howie Reeve peuvent en produire. Cet environnement inhabituel invite à une gymnastique intellectuelle qui permet d’y trouver à chaque visite de nouvelles raisons d’y revenir. C’est par l’effort qu’il demande que Ambo est devenu pour moi une obsession si entêtante et si vive. 

Il est évident qu’un disque tel que celui-ci ne récoltera ni les humains suffrages, ni les communs élans. C’est le prix de la singularité à payer. Pourtant, il ne faut pas croire que la musique de Frise Lumière est lourdement aride ou exagérément opaque. Au contraire. Si elle est exigeante et inusitée, elle n’en demeure pas moins lumineuse, séduisante et pleine de charmes. Il serait bien entendu dommage de passer à côté de cette expérience, ne serait-ce que pour savoir où vous en êtes au niveau de votre résistance à l’inconnu. 

Max

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