Famyne – II The Ground Below

Publié par le 14 septembre 2022 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Svart Records, 13 mai 2022)

L’archéologie du doom est une science récente. Au premier rang figurent Pentagram, Black Sabbath, Warpig, qui ont bousculé les lois de l’expérience auditive. Le courant exprime avant tout une certaine idée du fatalisme, un point d’ancrage anthropologique articulé autour de la vanité de la condition humaine, où le néant métaphysique occupe une place prépondérante.
Musique atonale dont les caractéristiques s’éloignent des poncifs du guitar-hero, le Doom place l’auditeur au centre d’un choix, face à sa passivité émerge un destin constellé d’étoiles noires, une corrélation à la damnation de l’âme. Sombre tableau, ne laissant aucune place à un quelconque ornement chamarré.

Originaires de Canterbury (fief de la scène prog dérivée du jazz, d’où ont émergé des formations comme Caravan, Soft Machine), Famyne s’acharne depuis 2014 à ne jamais subir l’obédience d’un stoner devenu viral, le groupe est l’exemple même de cette transition, renouant avec l’essence même du heavy métal. L’étymologie de Famyne a été importée en Angleterre par les Normands, son orthographe a finalement été normalisée, après l’invention de l’imprimerie. Dès son premier album auto-produit en 2018, « Faustus » s’élève du sol comme une apparition dans un cimetière, le chant prophétique et perché de Tom Vane renforce ce magnétisme irrésistible, bardé de murs grondants de guitares, tout y est lumineux malgré les ténèbres. C’est sur scène que le groupe investit l’espace, créant cette ambiance surnaturelle. Une variation de climats, de textures qui rend Famyne inclassable et assurément bizarre.

Son deuxième disque sorti ce printemps mérite une séance de rattrapage. Famyne sculpte un édifice dans la glace, s’aventurant dans des territoires insoupçonnés, où les nervures désorientent, nous enfoncent dans une matière froide, fascinante, une maestria croisant les fers caverneux du heavy primitif avec des harmonies vocales s’éloignant des voix gutturales inhérentes au Doom. « Defeated » s’impose d’emblée comme un titre d’une efficacité redoutable, « Solid Earth » monte encore d’un cran, évoquant momentanément Gruntruck, Count Raven et Alice In Chains.

II The Ground Below requiert une écoute attentive, c’est un disque sur lequel on ne cesse de revenir, on n’en a pas oublié le début qu’on arrive à la fin pour reprendre en boucle l’intégralité des 8 titres. Famyne nous invite à franchir l’autre rive, celle qui nous mène vers un sanctuaire, où les guitares de Tom Ross et Martin Emmons appuyées par le jeu grandiose du bassiste Chris Travers et du batteur Micheal Ross, résonnent infiniment dans les cavités sinueuses d’un labyrinthe souterrain. Des paysages sonores multidimensionnels dont la voix pastorale dresse des perspectives d’une obscurité absolue.

Franck Irle

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