En Attendant Ana – Principia

Publié par le 25 février 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Trouble in Mind, 24 février 2023)

On avait découvert En Attendant Ana en 2020, à la faveur d’un excellent album (Juillet), délicieuse collection de titres d’indie-pop où batifolaient quelques cuivres élégants. Avec ce troisième album, le quintette parisien creuse le même sillon avec dix titres parfaits pour commencer à sortir de la grisaille hivernale. En intégrant son ancien ingénieur du son (Vincent Hivert tient la basse), le duo formé avec la principale compositrice et chanteuse, Margaux Bouchaudon, est devenu un atout majeur de la musique d’En Attendant Ana. Les compositions respirent mieux, chaque instrument trouve sa juste place et les harmonies vocales sont toujours superbes. Ajoutez à cela un goût prononcé pour les mélodies ligne claire et on obtient des bombinettes pop de 3 minutes, parfois mélancoliques, mais qui invitent souvent à aller prendre une dose de vitamine D sous le soleil naissant d’un printemps précoce. D’entrée, les arpèges tranquilles de « Principia », un des titres envoyés en éclaireur dès fin 2022, dessinent un écrin réconfortant à un spleen intemporel qui traverse une bonne partie du disque :

And if I take a step outside
Just tell me what I would be
One piece of a mechanical trash
Another broken wheel
In what direction would I walk?
Would I be circling?
Staying in one parallel line
So that we would never meet

Gravity will bring us back
Down to earth

Mais point de sinistrose, avec la basse ronde de « Ada, Mary, Diane », la voix enjouée de Margaux Bouchaudon et les apparitions régulières du saxophone ou de la trompette de Camille Fréchou, le sourire pointe au coin des lèvres. « Black Morning » ou pas, le ciel peut même nous tomber sur la tête, c’est le pas léger, en sifflottant que l’on va affronter cette mâtinée. Et quand les harmonies vocales féminines se croisent en français et en anglais sur « Same Old Story », pépite pop ludique qui n’atteint pourtant pas les 3 minutes, on mesure le chemin parcouru par le groupe qui côtoie ici la perfection élégante d’un Stereolab (le timbre de voix de Margaux Bouchaudon rappelle beaucoup celui de Laetitia Sadier d’ailleurs).

The same old story in the same old song
Je connais la mélodie par cœur
The same old story in the same old song
Les mots ont tous la même couleur

La connexion avec le groupe franco-britannique n’est pas loin non plus sur le titre suivant, pièce maîtresse de ce disque, le sublime « Wonder », où le groupe décide pour une fois d’allonger le format (seul titre qui approche les six minutes). Et de côtoyer les mélodies hypnotiques du krautrock. Vendredi dernier, casque sur les oreilles, je rangeais du bois sous un soleil quasi printanier et à l’écoute de ce crescendo parfait, il m’est venu l’envie subite de sautiller comme un kangourou autour de mon jardin, alors que les guitares s’accéléraient et les voix diffusaient cette euphorie bienvenue. C’est déjà mon tube du printemps. Même si la mélancolie n’est jamais loin, il y a toujours la promesse d’une éclaircie dans la voix de Margaux Bouchaudon (« To the Crush »), un soleil radieux au détour d’une trompette (« Fools and Kings »). Et une basse qui ne tient pas en place et nous invite à s’aérer l’esprit et à se dégourdir les jambes (« The Cut Off » et ses claviers vintage). Comme sur « Anita », nouvelle pépite avec cette guitare presque dissonante et un saxophone baladeur. Et s’il fallait encore un titre pour se convaincre du sans-faute, le final et plus inquiet « The Fears, the Urge » emballe l’affaire d’un solo de trompette élégant sur un outro parfait. Les jours s’allongent enfin. L’hiver touche à sa fin. Pour faciliter la transition saisonnière, rien de tel que ce disque d’indie-pop douce-amère… en attendant (Ana…et) le printemps.

Sonicdragao

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