Dozer – Drifting in the Endless Void
On ne parle pas assez du stoner suédois. Pour le quidam, ça pourrait ressembler à une vanne douteuse mais cette assertion est parfaitement fondée. Dans les années 2000, les chevelus nordiques se croient défoncés dans le désert et s’imaginent jammer des plombes au Rancho de La Luna. Ils serviront aux mélomanes rugueux, peu regardants sur la provenance, quelques disques imparables. Et puis, le mouvement s’est quelque peu délité.
Il y a trois ans, Lowrider, l’un des fers de lance, avait montré la voie en effectuant un retour en fanfare avec Refractions. C’est cette fois au tour de Dozer de ressortir du bois, lui qui avait mis un terme brutal à son activité discographique en 2008.
15 ans donc. Il fallait marquer les esprits, à la manière de Lowrider avant eux. Pas besoin de faire Bac +8 pour soigner sa tracklist. L’entrée en matière est primordiale. Tu démarres par le morceau assassin et l’affaire est quasi pliée. En 7’30 des plus fracassantes, ô combien récréatives, Dozer nous signale avec aplomb qu’il n’est pas revenu pour sucrer les fraises. « Mutation/Transformation » risque bien de causer addiction/adoration. Porté avant tout par un riff massacreur, une attaque pied au plancher et quelques variations (ou mutations, tiens) bien senties, ce morceau, tout jouissif qu’il est, n’est pas forcément le plus représentatif de Dozer. À savoir, du riff gras (ça, on avait compris) et des mélodies franches et assumées voire mémorables portées par un chanteur charismatique. « Ex-Human, No Beast » et « Dust for Blood » répondent parfaitement à cette description. Ce dernier ayant les qualités (riff salement addictif, refrain radio-friendly) de ses défauts (riff qui ne vous lâche pas, refrain trop radio-friendly ?), on lui préfère les grandes épopées aventureuses, pleines de rebondissements comme la première, pas si éloignées du space rock (« Andromeda »). Toujours est-il que l’équilibre fonctionne bien. De l’ambition et du redoutablement calibré. La puissance du son faisant le reste.
Précisons pour ceux qui s’apprêtent à découvrir le groupe que ledit chanteur charismatique (Fredrik Nordin, de son vrai nom, également à la guitare) peut causer des hallucinations auditives sur ses envolées les plus aiguës, évoquant sensiblement feu Chris Cornell (ça fait toujours mal à écrire). Sans déconner sur – l’excellent – « No Quarter Expected, No Quarter Given » et l’épique et pop « Missing 13 », c’en est troublant. Et, comme on peut éprouver des doutes légitimes quant à la qualité des inédits de Soundgarden qui s’apprêtent à ressurgir, on peut très bien faire semblant, avec un peu d’imagination (d’autant que musicalement, il n’y a pas un monde non plus).
Quoiqu’il en soit, face à une affaire si rondement menée, si vous souhaitez éviter de réfléchir et vous détendre les cervicales, il y a de fortes chances que vous vous retrouverez comme un con à relancer en boucle ce même album dès que vous serez en panne d’inspiration. En tout cas, on n’a pas prévu d’arrêter de le faire de sitôt.
Jonathan Lopez