DISCO EXPRESS #8 : Fugazi
À l’opposé de notre rubrique sobrement intitulée « discographies » qui se veut objective, exhaustive et documentée, nous avons choisi ici de vous résumer chaque mois des discographies avec concision, après une seule réécoute (quand ce n’est pas la première !) de chacun des disques. Des avis tranchés, des écrits spontanés, plus ou moins argumentés avec une bonne dose de mauvaise foi et d’amateurisme. Cause hey, this is just music!
Emma Goldman a dit : “Ce n’est pas ma révolution si je ne peux pas danser.“
Ce sera le credo de Fugazi pendant quinze ans et je ne crois pas réussir à mieux résumer leur œuvre autrement que par cette citation.
Puisque le principe de la Disco Express est d’aller à l’essentiel, on me pardonnera de taire le contexte et de ne pas m’étendre non plus sur les évidences ânonnées la bouche en cœur depuis trente ans.
13 Songs (1989) : “Why can’t I walk down a street free of suggestion?“
Pas vraiment un album, mais la compilation des premiers EP du groupe. La basse sur “Waiting Room” impose d’entrée de jeu l’identité éclatante du groupe, mélange de groove et d’agressivité. La symbiose entre les quatre membres de Fugazi est déjà terriblement prometteuse mais encore un peu brute. Néanmoins, les fondations sont posées.
Repeater (1990) : “Never mind what’s been selling. It’s what you’re buying, and receiving undefiled.“
Premier véritable album, “Repeater” est une immense réussite sur lequel on trouve quelques uns des titres les plus emblématiques du groupe. Guy Picciotto est désormais guitariste à temps plein et partage le lead avec Ian Mckaye. Souvent présenté comme le contre point poétique de ce dernier, les deux se complètent assurément pour le meilleur.
Steady Diet of Nothing (1991) : “Will we leave the last place burning?“
Etonnamment, l’album le plus faible de Fugazi. Moins tranchant que ses prédécesseurs, et moins aventureux que ses successeurs, Steady Diet of Nothing souffre d’une production trop lisse, sans aspérité, clairement pas à la hauteur. Il y a pourtant du très bon, voire même de l’excellent sur ce disque. “Exit Only”, “Long Division”, “Dear Justice Letter” en sont la preuve.
In on the Kill Taker (1993) : “Shut up! Shut up! This is my last picture! Shot in real, real, realism! Oh! Crush my calm, you Cassavetes…“
Fugazi s’émancipe de plus en plus de ses influences, de son passé et de sa propre légende, pour devenir un groupe/monde, un genre à lui tout seul. Il ne se prive plus de rien, pour le meilleur, quand il claque la porte au nez de Steve Albini, et pour le meilleur encore quand ils pondent la plus belle chanson du monde : “Last Chance for a Slow Dance”.
Red Medicine (1995) : “Say like the french say ; Bonsoir, regret, à demain, à demain, à demain, à demain…“
L’album le plus expérimental de Fugazi, le plus rude aussi, le plus complexe. On a parfois l’impression d’être dans un bouquin de Thomas Pynchon. Passionnant de bout en bout, labyrinthique, éreintant, et exagérément opaque. Il fait fuir les tièdes ce qui n’est pas la moindre de ses qualités.
End Hits (1998) : “Now parade the muscles, trying to make their dicks grow“
Allez ! Pardonnez-moi encore une fois, mais voici le meilleur album de Fugazi. Le son est une merveille, et le groupe fait preuve d’une inventivité proprement étonnante à ce stade de leur “carrière”. Je ne compte plus les trouvailles, les coups de génie, les élans merveilleux.
Instrument Soundtrack (1999) : “I’m so tired sheep are counting me“
Collection de pastilles musicales illustrant l’excellent documentaire de Jem Cohen consacré au groupe. Certes erratique, néanmoins aussi surprenant que l’on pouvait l’espérer, il s’agit surtout de mettre en lumière le travail de premier plan fait par Cohen. Son documentaire est à voir absolument.
The Argument (2001) : “I want out, I want out, I want out, I want out“
L’album porte en lui l’immense tragédie d’être le dernier du groupe. Même s’ils ne se sont jamais officiellement séparés, nous savons que nous ne les reverrons plus jamais ensemble et que nous n’attendrons plus rien de leur si singulière symbiose. The Argument n’a pourtant rien d’un Requiem et j’en aurai bien repris quinze des comme lui.
Furniture EP (2001) : “This is a song with no words… but no one can hear the missing.”
Enregistré en même temps que the Argument, le EP propose une relecture de vieux titres datant des années 80 et dont on connaissait déjà l’existence au travers des lives ou du documentaire “Instrument”. Intéressant mais frustrant.
First Demo (2014) : “We owe you nothing, you have no control.”
Enregistrée à l’origine en 1988 après seulement quelques concerts ensemble, cette collection de démo s’adresse surtout aux fans de la première heure. Le son n’est pas à la hauteur de la discographie du groupe et il me semble contradictoire que Fugazi ait voulu se la jouer nostalgique.Les titres inédits sont ce qu’il y a de plus intéressant mais ils ne suffisent pas à sauver ce disque de l’anecdotique.
Max
Fugazi en 20 titres (Spotify et Youtube)