DISCO EXPRESS #24 : Come / Thalia Zedek

Publié par le 1 octobre 2022 dans Chroniques, Disco express, Non classé, Toutes les chroniques

À l’opposé de notre rubrique sobrement intitulée « discographies » qui se veut objective, exhaustive et documentée, nous avons choisi ici de vous résumer chaque mois (quand on n’a pas la flemme) des discographies avec concision, après une seule réécoute (quand ce n’est pas la première !) de chacun des disques. Des avis tranchés, des écrits spontanés, plus ou moins argumentés avec une bonne dose de mauvaise foi et d’amateurisme. Cause hey, this is just music!

Come – Eleven:Eleven (1992) : outsider de la scène grunge (rappelons qu’en haut du CV figure le tampon « a tourné avec Nirvana »), Come dégage pourtant une classe innée que certains n’auront jamais. Premier album en forme d’état de grâce. « Just relax, just relax, just relaaax ». On aimerait bien mais c’est quand même tendu cette affaire. Cette voix unique d’une force et présence incroyables nous saisit immédiatement. Ce son blues mêle classe et crasse. Les guitares de Chris Brokaw et Thalia Zedek racontent bien des histoires. Voilà un disque sauvage, féroce et indompté, d’une sombre beauté (« Brand New Vein » en forme de lente descente aux enfers exquise). Tu mets les pieds dedans une première fois et te voilà embourbé à vie. En fin d’album, « Orbit » nous projette tout en haut. Au sommet, à leurs côtés.

Come – Don’t Ask Don’t Tell (1994) : Puisque vous me le demandez, je vous le dis : je me suis longtemps contenté d’écouter le premier album. En boucle. Quelle erreur ! Don’t Ask Don’t Tell est un disque merveilleux. Attaque grandiose avec l’incandescente « Finish Line ». Fabuleux dialogues entre les guitares de Brokaw et Zedek qui semblent avoir encore gagné en complicité. Grande prestation vocale de TZ sur « Mercury Falls » où elle expose ses fêlures. Alternance entre blues languide qui n’en finit pas (« Let’s Get Lost »), chef-d’œuvre mélancolique (« German Song ») et morceaux plus saignants. « Arrive » est d’une lenteur saisissante (la Codeine’s touch trimballée par Brokaw ?) et d’une tristesse insondable. Sublime. Une réédition vient de paraitre. Inutile de préciser qu’elle est indispensable. Avec l’incandescente « Car » (single sorti chez Sub Pop initialement) en ouverture du disque bonus, la magnifique « Cimarron » à la conclusion. Et entre les deux, d’excellents morceaux comme « SVK » et « Who Jumped In My Grave ». Régalez-vous.

Come – Near Life Experience (1994) : On aimerait bien (non) dire que ça s’essouffle un peu mais bordel, cette entame est monstrueuse. « Hurricane » est presque un titre trop modeste vu l’efficacité de la chose. Zedek et Brokaw sont désormais seuls à la barre, secondés par une multitude de collaborateurs venus suppléer Arthur Johnson (batterie) et Sean O’Brien (basse). Tous les repères sont toutefois là : blues, bruit, et même un solo d’une classe insensée. Chant brisé, semblant toujours au bord de l’abîme, quelques arpèges, de soudaines explosions (le final bien sali de « Secret Number », yummy). Ça s’assagit légèrement ensuite avec notamment le premier morceau où Brokaw se voit confier le micro (« Shoot Me First »). Le disque est court (une demi-heure), c’est sans doute le moins inoubliable des quatre mais il n’en demeure pas moins indispensable.

Come – Gently Down the Stream (1998) : c’est peu dire que je le connais moins, les mélodies me sont bien moins familières mais font mouche quasi instantanément. « One Piece » est bien rugueuse, on retrouve Brokaw au chant sur l’excellent « Recidivist » et toujours ce rock indompté, formidablement incarné, ces breaks savoureux… Un souffle, une présence, du charisme, des morceaux accomplis. Même un morceau moins intéressant de prime abord comme « Stomp » se distingue finalement par un pont brillant. Et que dire du bouleversant « Saints Around My Neck » ? Qu’on est plutôt bien, là. C’est très mélancolique, un peu moins urgent sans doute. Les grands morceaux s’enchaînent. Tout se tient. Quatre albums et puis s’en va. Aucune fausse note. On peut parler d’une discographie parfaite.

Come – Peel Sessions (2022) : quelle bénédiction que cette réédition ! Quel bonheur que cette intro de « Off to One Side » ! En 9 titres, un brillant résumé du début de carrière de ce groupe essentiel (les sessions étant de 1992 et 1993, ça tape uniquement dans les deux premiers albums et on retrouve l’inédit « Clockface »). Une voix qui souffre, des instruments qui gueulent. Quand la sauvagerie le dispute à la fragilité. Une musique d’écorchés pour écorchés. Ils nous manquent. Heureusement Thalia et Chris n’ont jamais cessé d’œuvrer en solo et au sein d’autres projets. Pour la chanteuse-guitariste, tout a commencé avec l’incroyable…

Thalia Zedek – Been Here and Gone (2001) : Un tournant à bien des égards. Thalia est seule. Plus de couple. Plus de groupe (même si Chris n’est jamais loin…). Alors elle s’entoure. De nombreux arrangements (violon, piano, trompette, glockenspiel) font leur apparition, une terrible mélancolie nous explose à la gueule dès le (fabuleux) premier titre et ne nous lâchera plus ensuite. Album d’une force inouïe, terriblement attachant, compositions de très haut niveau. Reprise somptueuse du « Dance me to the End of Love » de Leonard Cohen en plein milieu de l’album. Pari audacieux, pari relevé haut la main. Le risque ? Que le reste fasse pale figure à côté d’un morceau de cette ampleur. Il s’agit en fait d’un parfait révélateur. Aucun n’a véritablement à rougir à ses côtés. Et on chantonnera intérieurement tout autant « Excommunications », « Treacherous Thing » ou « 10th Lament » que ce morceau emblématique, sitôt l’album terminé. En tout cas, on se le repassera. Même si on est un peu plombé.

Thalia Zedek – Trust Not Those in Whom Without Some Touch of Madness (2004) : Première écoute. Et le sentiment de l’avoir toujours connu. Car Thalia, entre femme forte ayant tant enduré et petite chose fragile, s’adresse à moi directement. Comme si on avait partagé des tas de souvenirs marquants. Une présence rassurante. « Ship » et son rythme lancinant nous fait sombrer d’emblée. Armes déposées, toute tentative de résistance s’avère vaine. Une fois encore, les envolées au violon renforcent le caractère émouvant de la chose. « Bone », sa batterie, son ampleur… « Angels » procure ce même sentiment mêlé d’euphorie et de profonde tristesse. Un bout de ses tripes est sans doute déposé ici en offrande. C’est vrai avant d’être beau. Profond plutôt que mielleux.

Thalia Zedek Band – Liars and Prayers (2008) : Ça commence avec un « Next Exit » très intense à haute teneur émotionnelle qui monte crescendo 7 minutes durant. La guitare de Thalia fait merveille et glisse parfois un court solo en passant (« Wind »). Reconnaissons que ce disque passionne un peu moins sur la durée, la formule commençant à être connue. Ainsi, on prend un malin plaisir à déguster le formidable « Body Memory », moins maitrisé, davantage en roue libre mais on n’échappe pas à quelques longueurs. Ce n’est pas le TZ qu’on se remet spontanément avec le plus d’entrain. Piano, violon, complaintes. Au bout d’un moment, on voit la vie en gris.

Thalia Zedek Band – Via (2013) : On prend la même et on recommence à chialer. Thalia ne se lasse visiblement pas de nous flinguer le moral mais tant que ce sera fait avec la même sincérité, on lui pardonnera. Question efficacité, il faut bien admettre que « Straight and Strong » séduit d’emblée. Confirmation que le niveau moyen de production de Thalia Zedek est toujours très haut. La montée en tension de « Want you to Know » reste un must du genre et confirme que c’est aussi ce côté sale qui nous attire dans ses chansons. Difficile de situer cet album dans la hiérarchie Zedek, mais il mérite assurément d’être ressorti plus souvent.

Thalia Zedek Band – Eve (2016) : entame admirable avec « Afloat », d’abord extrêmement délicat avant de gagner en puissance et de s’offrir un final enchanteur. On appelle ça une leçon. « It’s a dream but you will wake again » chante Thalia sur le somptueux « You Will Wake ». A-t-on vraiment envie de se réveiller ? Elle prend son temps, quelques titres semblent se déployer au ralenti (le blues sacrément plombant de « Not Farewell » avant de partir sur un solo délicieux). Sans doute pas le plus beau mais voilà un autre album sur lequel je ne m’étais pas penché et le constat est encore une fois limpide : il faut arrêter d’ignorer certaines œuvres de la dame, il faut tout dévorer sans retenue. Elle est au-dessus.

Thalia Zedek Band – Fighting Season (2018) : En 2018, Thalia est furax. Non pas qu’elle se soit montrée spécialement guillerette jusqu’alors mais la voici armée de sa guitare FCK NZS et de nombreux textes déclarant en substance FCK TRMP. Des morceaux comme « Bend Again » (où vient gratouiller J Mascis), « Fighting Season » ou « War Not Won » sont d’ores et déjà à ranger parmi ses classiques et de moins immédiats comme « Of the Unknown » se font petit à petit une place bien au chaud. On touche au sublime d’un bout à l’autre. On en viendrait presque à se réjouir que les States aient été gouvernés par un taré de première.

Thalia Zedek Band – Perfect Vision (2021) : Une inhabituelle éclaircie que ce « Cranes » à la pedal steel guitar assez engageante. « From the Fire » et ses arrangements Kusturickesques fonctionne à pleins tubes. Simple et sans accroc, « The Plan » fait le boulot. Sinon, les pierres n’en finissent plus de chialer (« Smoked », « Overblown », ce violon est décidément un vrai sadique) et quelques morceaux bien saignants nous en remettent une petite derrière la nuque (« Queasy », « Tolls » qui crame tout sur le final). Perfect Vision n’est là que depuis un an et c’est déjà un ami fidèle qui s’est immédiatement entendu à merveille avec notre platine.

On aurait tout aussi bien pu réécouter et déblatérer sur les albums de E, Live Skull ou les solos de Chris Brokaw mais on s’est dit que vous n’alliez pas avoir très envie de poser votre journée pour lire un article. A suivre ? Peut-être. En attendant la suite, c’est ce lundi 3 octobre pour voir Thalia et ses bandmates de Come fêter nos dix ans avec les fabuleux Ventura.

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Come et Thalia Zedek en 20 morceaux version Spotify et Youtube (entre un et deux morceaux par album. Beau concours d’arrachage de cheveux)

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