DISCO EXPRESS #22 : Gary Lee Conner
À l’opposé de notre rubrique sobrement intitulée « discographies » qui se veut objective, exhaustive et documentée, nous avons choisi ici de vous résumer chaque mois (sauf le précédent) des discographies avec concision, après une seule réécoute (quand ce n’est pas la première !) de chacun des disques. Des avis tranchés, des écrits spontanés, plus ou moins argumentés avec une bonne dose de mauvaise foi et d’amateurisme. Cause hey, this is just music!
Gary Lee Conner est co-fondateur de Screaming Trees, co-fondateur avec un homme dont notre rédac’ chef est fan absolu, Mark Lanegan (NdRC : cet article a été rédigé bien avant sa mort – nombre de discos express sont rédigées très en amont de leur publication – mais a priori vous êtes courant qu’il nous a quittés). Apparemment, les relations entre les deux hommes ont tourné à l’aigre assez vite, précipitant la fin du groupe en 2000. Je ne sais pas, je ne connais pas la musique de Screaming Trees, je ne connais pas Mark Lanegan, je me souviens des 90’s, c’est déjà bien. Par contre, un beau jour, je tombe sur le dernier LP de ce Gary Lee Conner – j’y reviendrai – et me voilà sous le charme. Du coup, je décide de faire cette chronique express et me plonge donc en bon petit soldat d’Exit Musik, dans sa discographie. J’oubliais : sauf erreur de ma part, « GLC » joue tous les instruments sur l’intégralité de sa disco solo…
The Purple Outside (Mystery Lane) (1990) : GLC enchaîne un « When I’m Gone » dans un style 90’s pas désagréable du tout avec « The Velvet Doorway » que n’aurait pas renié Sisters of Mercy. Le baroque de « White Plastic » et l’enchaînement de solos de gratte dévastateurs sur « Combination of the Tree », tout cela se laisse écouter avec un certain plaisir même si cette œuvre de jeunesse ne laisse pas vraiment augurer de la production à venir de « GLC », celle qui ira s’ébattre avec joie dans le bain 60s ! Mais bon, il y a de bonnes choses dans The Purple Outside et il faut aussi imaginer que Gary Lee est aussi très occupé au début de ces années 90 avec les Screaming Trees, ce groupe apparenté au grunge et actif de 1985 à 2000.
The Microdot Gnome (2014) : Après une longue période, en gros de 1997 (date de sortie de son live acoustique Wake for a new World) à 2014, sans rien si ce n’est la sortie d’un ou deux 45-tours ou des fonds de tiroir, des démos, The Microdot Gome est le premier véritable album solo de Gary. Première étape, 2014, un nain de jardin en couverture, une bonne dose de psychédélisme nous attend. Je ne suis pas déçu. Après un « Gardens of Time » très 90’s, l’hommage de Gary Lee à Haight Ashbury et Jefferson Airplane (« Confessions of a White Rabbit ») démarre fort, avec son riff d’intro au clavecin et son refrain tout en finesse, « I’m going home, get me down »… Le morceau fait 8 minutes mais bizarrement, la courbure de l’espace-temps m’évite de m’ennuyer une seconde. Le batteur est sur la cloche de sa ride pour garder le cap, le solo de gratte s’étend, c’est l’idée que je me fais de Grateful Dead sans les avoir jamais écoutés vraiment. Le reste de l’album est du même acabit. « Smokerings are my Only Friends » nous trace une route de feu à travers le désert, pied au plancher, « Low Flying Bird » est le retour à la ville sans couvre-feu, une chaude soirée de printemps, les terrasses sont pleines, « Moonflower », marrant comme le bonhomme joue déjà entre les 60’s et les 90’s mais annonce ici clairement ses intentions sur la suite. Très bel album en soi mais aussi un album de transition pour cet artiste prêt à assumer ses envies : faire du 60s !
Ether Trippers (2016) : Dès le premier morceau, « Treacle for the Snark », on part vers Love (pour les cuivres) et les Seeds. Mais pour la suite, c’est le down, « High on a Mushroom Cloud » est un poil caricatural, le morceau éponyme fleure bon le manque d’inspiration, « Orbiting Endlessly » est aussi long qu’un voyage sur Mars, « Disintegrate » bande mou, « And The Owl Sees » navigue à vue. Ah, cool, un petit morceau épique-7-minutes-dernière-plage-avec-un-nom-bizarre, « Amoeba Christ » va peut-être sauver cet album… Mais non…
Unicorn Curry (2018) : Une intro à l’espinette, c’est pas tous les jours mais c’est pourtant comme cela que démarre « Mary’s English Garden », petite incursion UK-psych avec son orgue lancinant derrière les chœurs. « Flower Punk Girl » est catchy à souhait, le rythme syncopé très West Coast, le refrain libérateur tout plein de sitar puis cette fuzz qui vient gentiment nous vriller les oreilles. Je ne suis pas fan des Beatles mais « Who Knows The Rain » m’y fait penser et le moment « freak out » (… léger, notre ami faisant toujours dans la mesure) pimente un peu le tout.
Revelations In Fuzz (2020) : L’album par lequel j’ai découvert le bonhomme. Bien foutu, entraînant, pas caricatural, on sent que Gary s’est éclaté en plein confinement (le LP est sorti en 2020) ! Après une ouverture à la Richmond Sluts en hommage aux « heavy freaks » et par extension à tout le petit peuple rock’n’roll, on grimpe dans l’ascenseur et c’est parti, on décolle. On ne changera pas l’ex-Screaming Trees, il s’arme d’une sitar dès la troisième plage (« H.M.S. Head Trip ») et poursuit par une célébration fuzz qui me fait penser aux premiers Vibravoid (« Lovely Lady Deb O’Nair », etc). La pédale wah wah nous déboussole sur le refrain de « Viscous and Pretty » qui est un des grands moments du LP, on se croirait au Marquee en 66. On poursuit… Rien que les titres de morceaux sont des poèmes… « Looking Through Blackberry Eyes », « Cheshire Cat Claws », « Poppermint Apocalypse »… On n’ose imaginer les titres d’un éventuel nouvel effort, après un an d’enfermement supplémentaire… Pour le moment, Gary nous lance une dernière corde pour nous hisser au-dessus des particules en suspension, ça s’appelle « Colonel Tangerine’s Sunshine Dreams », tout y est, il ose même la flute, c’est plein de surprises, de recoins à explorer dans ce mid-tempo qui nous force à headbanger et dont la dernière minute est une perte de contrôle, dans un souk ou peut-être un dock à minuit, en tout cas un lieu de perdition possible…
The Opposite Of Christmas (2020) : Voici donc le dernier en date, le second LP en 2020. Après
une entrée en matière un peu loupée, on se laisse emporter par un « Change The Season, Change The
World », agréable mid-tempo psychédélique suivi de très près par un de mes préférés de l’album,
« Early Morning Blackout », malsain, poisseux, au son d’orgue bizarroïde… un blackout, quoi, pour ceux
qui ont déjà expérimenté… Nous voilà au très bon « Down Too Long » et sa gratte acoustique ouvrant la voie à sa sœur électrique, même topo pour « Star Mangled Salamander ». Les morceaux sont denses, répétitifs, assez fins, on tient un bon LP de Gary. Puis… comment fait-il pour empêcher un « Rainy Daydream Poppy Fields » de tomber dans la caricature 60s ? Wah wah sur « Spider Collector », sitar sur « Cosmic Eye », le trip psyché continue. Le refrain de « Cosmic Eye » est d’ailleurs un des sommets de cet album, un autre étant la dernière plage, « Rockslide Dk », sur laquelle on voyage à la vitesse de la lumière vers des mondes inconnus.
Longue vie à Gary Lee Conner et je suis impatient d’entendre la suite !
Manu
Gary Lee Conner en dix titres (versions youtube et spotify)