Dead Horse One – Seas of Static
Le groupe de shoegaze de Valence est de retour avec son quatrième album et il n’est pas content. Après une très courte intro « It’s Over », qui n’est peut-être pas l’entrée en matière la plus subtile – un message de rupture laissé sur un répondeur téléphonique – la formation fait parler haut et fort les guitares. Le virage entrepris avec l’EP When Love Runs Dry sorti il y a un peu plus de deux ans ne se dément pas. En une dizaine d’années passées à développer son style musical navigant entre le versant psychédélique du shoegaze – cher à, disons Ride ou Chapterhouse – et ses aspects plus musclés – que l’on trouve chez Hum ou Nothing, par exemple – Dead Horse One a définitivement choisi de privilégier la seconde option : riffs percutants, saturation tous azimuts, batterie qui fracasse. La crise de la quarantaine a fortement frappé dans la Drôme et on s’est remis à écouter les groupes les plus énervés de la fin des 90s. Si l’EP précédent faisait clairement référence au grunge, celui-ci est aux portes du metal, avec des sonorités plus proches de Deftones que de Slowdive, très clairement. Des morceaux comme « Raindrops » ou « That Day » vont directement à l’os, avec une alternance bruit/calme clairement assumée et des durées raccourcies au maximum. Les voix d’Olivier Debard (guitare) et de Ludovic Naud (basse) s’entremêlent toujours avec autant d’efficacité, rappelant la paire Mark Gardener / Andy Bell mais cette fois le chant semble empli d’une vitalité nouvelle. Seas of Static n’est pourtant pas un disque monolithique et beaucoup de morceaux viennent rompre la puissance de certaines chansons. Dès la plage 3, le groupe ralentit le tempo sur un « Shadows » plus atmosphérique. Plus loin, il invite la chanteuse Harlee Young du groupe Bosses pour reprendre « Kathleen » de Townes van Zandt. L’introduction acoustique du morceau est un trompe-l’œil et c’est à coups de gros blast beats et de guitares féroces que le morceau, méconnaissable, va s’engager pour s’arrêter aussi net.
C’est bizarrement lorsqu’il change radicalement de style pour passer à l’acoustique que l’album convainc le plus : « Onset » sonne pratiquement comme une outtake de No Quarter, l’album de Jimmy Page et Robert Plant du milieu des années 90, avec son accordage alternatif et une guitare électrique qui fait littéralement s’envoler le morceau. Enfin, on savait Dead Horse One fan de Sparklehorse : le titre de l’album sonne même carrément comme un mashup de morceaux de Mark Linkous. On pense à « Sea of Teeths » sur It’s a Wonderful Life et au studio de l’artiste, Static King, auquel le groupe avait déjà rendu hommage sur l’EP précédent. C’est donc sans réelle surprise mais avec un très grand bonheur qu’on découvre « Ride », le touchant morceau final, avec ses craquements, sa voix plaintive, habilement « detunée », qui est clairement une référence à l’univers cabossé du plus regretté des compositeurs américains.
C’est donc encore un disque gagnant pour les Valentinois, même si on sent que le groupe n’a plus exactement la gagne de ses premiers albums – cette envie de s’ériger au sommet du shoegaze français, ce qu’il a fait brillamment, et aux prix de nombreux sacrifices, sans totalement remporter les lauriers espérés. Ne cherchant plus à prouver quelque chose ou à combler une attente, Dead Horse One se fait surtout plaisir en prenant le risque de se mettre la frange la plus révérencieuse des fans du genre à dos tout en assumant pleinement une forme de jeunisme et une esthétique bâtie sur des contrastes téméraires, mais jamais hasardeux.
Yann Giraud