Damon Albarn – Everyday Robots (Parlophone)
Damon Albarn est un mec qu’on apprécie, et on vous a d’ailleurs déjà dit ici tout le bien qu’on pensait de lui (cf chronique Gorillaz). Depuis ses débuts au sein du groupe Blur en 1989, il a roulé sa bosse et multiplié les expériences musicales comme musicien et comme producteur. L’an dernier, une tournée nostalgique avec ses potes de Blur qui l’a baladé aux quatre coins de la planète l’a visiblement plongé dans la mélancolie, apparemment décidé à tourner la page et prendre un nouveau virage. Musicien jamais rassasié, toujours avide de nouvelles expériences, c’est donc avec beaucoup d’excitation que nous attendions son premier effort solo.
Su la photo de pochette, Damon est prostré sur une chaise avec le regard plongé sur ses godasses, et donne l’impression de porter toute la misère du monde sur ses épaules. Mauvais signe ? Album qualifié de la « maturité » par l’auteur lui-même, ce qualificatif un peu « tarte à la crème » qui n’est pas forcément un gage de folie, ne doit pas être être significatif d’ennui non plus. Et, malheureusement, dès la première écoute, ce n’est pas un feu d’artifice, mais plutôt la douche froide.
La chanson titre en introduction de l’album, « Everyday Robots » est un constat sans concession sur l’état de ce triste monde virtuel dans lequel on évolue comme des robots. Piano et violoncelle sur une mélodie aux tonalités mélancoliques et lancinantes, la voix d’Albarn mixée très en avant semble presque fragile. A noter, que sur ce disque, le chant de Damon Albarn est sincère, sans artifice ni trucage. D’entrée, on comprend que l’énergie et la rage de sa jeunesse avec Blur, ou le delirium funky Manga de Gorillaz semblent bien loin. Ce titre annonce la couleur, même s’il intrigue, on sent qu’on ne va pas se fendre la gueule à l’écoute de ce disque.
« Hostiles » creuse le sillon, beats répétitifs, chœurs aériens sur quelques notes de piano. Contemplatif et d’une grande sagesse (pas le délire quoi !), l’impression se confirme, plutôt le genre de disque à écouter lors d’une séance de Reiki, que pour chauffer l’ambiance dans une teuf.
Sommet d’ennui, les 7 minutes de « You And Me », sur lesquelles rien ou presque. On n’ose pas imaginer en concert… Damon a peut-être voulu faire son « Rock Bottom », chef-d’œuvre intemporel et hors catégorie de Robert Wyatt, alors en rupture de Soft Machine, mais pour cela il faut un peu plus de folie que ce qu’il a mis dans ce disque. Pas de fioriture, pas de gras, l’épure minimaliste, ça colle sur quelques titres comme « Lonely Press Play » ou « Photographs », mais sur la longueur on s’assoupit.
D’ailleurs, en dehors de « Mr Tembo », qui tranche par sa gaieté, avec ukulélé et chorale féminine qui donnent envie de taper du pied et nous sortent pour un instant de la torpeur dans laquelle on est plongé, et « Heavy Seas Of Love » qui clôt l’album sur un chant plus enjoué que sur le reste du disque (pas le délire rock non plus, faut pas exagérer) toutes les chansons de l’album résonnent comme une introspection ennuyeuse qui ressemble plus à une séance de psy qu’à un disque rock.
Peut-être que dans l’esprit de Damon maturité signifie ennui, mais de nombreux autres artistes avant lui, ont assumé de mûrir sans pour autant sombrer dans la sinistrose. Espérons qu’il saura retrouver des sonorités plus joyeuses pour la suite de sa carrière, et on oubliera ce coup de mou. Je ne doute pas qu’il ait mis ses tripes dans ce disque, la qualité de son chant l’atteste, mais sincèrement le plus ennuyeux c’est le sentiment de tristesse dégagé par l’ensemble. Difficile d’imaginer Damon Albarn (en tournée actuellement) défendre ces titres sur scène. A moins, qu’il ne retrouve à cette occasion le grain de folie qu’on aime chez lui, et donne une dimension plus festive à l’ensemble. C’est tout ce qu’on lui souhaite, et surtout au public, qui risque sinon de trouver le temps long.
El Padre