Damien Jurado – Sometimes You Hurt the Ones You Hate
Si, comme moi, vous prenez l’affaire en cours de route, vous pouvez vous laisser aisément submerger par le rythme de sorties de Damien Jurado. 21 albums, si mes comptes sont bons, et quasiment autant d’EPs depuis 1997. Solide moyenne. Et ce nouveau venu débarque dix mois seulement après Reggae Film Star. Sometimes you Hurt the Ones you Hate présente toutefois un avantage non négligeable pour qui cavale après le temps : il est très court. 24 minutes seulement et vous ne tarderez pas à vous familiariser avec ses quelques comptines.
Les mauvaises langues, que nous ne sommes pas, pourraient déplorer un album qui ne démarre pas franchement pied au plancher et remplit la fonction d’accompagnement poli en buvant sa verveine. Ce qu’il ne faut pas lire, franchement ! Alors ok, après un premier morceau plutôt énergique, ce début d’album fait d’abord le taf sans rien offrir d’inoubliable mais il a le grand mérite de monter doucement mais sûrement en régime.
Jurado n’a rien changé à sa ligne de conduite, il ne triche pas, n’en rajoute pas, il demeure sur la retenue, se livre avec sa sincérité habituelle. Et touche au cœur (« A Lover, A Balcony, A Singer Orchestra »). Tout juste consent-il à habiller ses chansons d’arrangements de cordes soignés et de chœurs pour prendre de la hauteur mais, malgré la sophistication apparente, il parvient sans peine à conserver une grande simplicité dans son approche et à émouvoir au-delà du raisonnable (« Match Game 77 (Episode 1097) », le refrain simple et d’une beauté confondante de « A Buildings Kind of Building », « In a Way Probably Never » qui pourrait n’être qu’une vulgaire chansonnette de feu de camp, aux faux-airs de Rodriguez, si Jurado ne lui insufflait pas ce supplément d’âme qui la ferait presque passer pour un classique).
Sur l’entraînant « I Was a Line » qui clôture, plus question de se cacher. Jurado croit. En la magie, en l’amour, en nous. Et nous croyons plus fermement que jamais en sa faculté à transmettre la joie en quelques vers, pourtant exprimés avec force mélancolie. La lumière qui ne semblait pas avoir droit de cité, pénètre ici largement et emplit les lieux. Gageons que les mauvaises langues et quelques impatients sont allés au bout de ce disque (de courte durée, qui plus est), tant les derniers morceaux rivalisent de beauté. Le 21e Jurado, sans être l’album ultime, est donc encore une fois hautement recommandable. Et, sans vouloir trop se mouiller, on vous dira certainement la même chose du prochain.
Jonathan Lopez