Cave In – Final Transmission
Cet album aurait pu ne jamais voir le jour. Le 28 mars 2018, Caleb Scofield, bassiste au son massif et voix prépondérante de Cave In, trouvait la mort sur une route du New Hampshire. Une tragédie à même de laisser bien des groupes exsangues mais qui a poussé Cave In à repartir de plus belle. Pour soutenir les proches de leur ami disparu d’abord, en donnant une série de concerts en son honneur. Puis en lui rendant hommage, en mettant un terme à ce Final Transmission, entamé à ses côtés.
Un album marqué de son empreinte, qui s’ouvre sur cette dernière transmission de sa part : un enregistrement vocal adressé au reste du groupe où on l’entend jouer de la guitare acoustique puis fredonner une mélodie par-dessus. Un hommage sobre et déchirant, témoin également de la créativité sans faille de Caleb.
C’est le premier des 9 morceaux qui composent l’album. Sur les huit autres, on y entend soit sa basse (6 morceaux) soit sa guitare (vous savez compter), un tracklisting effectué – vous l’aurez compris – en fonction des enregistrements effectués en sa présence. Des titres livrés ici presque bruts, après un bref passage au mix et au mastering, pour leur enlever l’étiquette de “démos” à laquelle ils ne sont parfois pas loin de prétendre. Malgré ce contexte éminemment particulier, Cave In fait du Cave In et le fait admirablement bien. Du Cave In plutôt période Jupiter (2000) toutefois, avec une propension à nous guider vers les cieux, plutôt qu’à nous fracasser sans pitié. Ainsi, “All Illusion” et “Shake My Blood” prennent leur envol en douceur et distillent posément des mélodies à tomber. En arrière-plan, la basse de Caleb vrombit de bonheur.
Cave In n’a pas tout à fait oublié d’où il vient non plus et renoue le temps d’un ou deux morceaux avec sa férocité des débuts… et des retrouvailles lorsqu’ils s’étaient reformés en 2009 livrant un White Silence assez brutal. “Night Crawler” attaque ainsi tambour battant sur un tempo enlevé et un chant belliqueux. Moins de place à l’évasion mais quelques embardées tout de même, sur la seconde partie du morceau avec un chant qui s’envole, accompagné de guitares tournoyantes. La plus rude remontrance se situe en fin d’album lorsque “Led To The Wolves” semble lancé pour éradiquer tout ce qui se dresse sur son chemin, sans répit mais avec certainement beaucoup de colère et de tristesse à extérioriser.
Avant cela, l’éthérée “Lunar Day” nous larguait errant en des territoires shoegaze totalement vaporeux, alors que “Winter Window” captivait de par son ambiance lourde et glaciale en intro avant de mettre un coup de boost bienvenu. Parmi les pièces de choix conférant à ce disque une dimension supérieure, impossible de ne pas nommer “Strange Reflection”, entre violence rentrée et sérénité retrouvée, qui apparait initialement comme une terrible chape de plomb avant que les couplets enlevés n’illuminent l’ensemble. Majestueux. L’édifice n’est jamais loin de se fissurer mais il tient bon et il a fier allure. Cave In a subi le plus cruel des coups durs mais il reste digne, et grand.
Jonathan Lopez