Mark Lanegan Band – Bubblegum (Beggars Banquet)

Publié par le 22 août 2014 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

bubblegumcoverMark Lanegan est un artiste prolifique. Un nouvel EP puis album ne vont pas tarder à débarquer. Et connaissant la constance et le talent du bonhomme ça risque de valoir le coup d’y jeter une oreille.

En attendant, il y en a un qui vient de fêter ses 10 ans. Bubblegum, le sixième rejeton. Le meilleur.

15 titres d’une cohérence parfaite. Des ballades à tomber, des invités prestigieux en grande forme, une belle alternance entre rock furieux et moments de répit. Revoyons tout cela de plus près avec un bon vieux « track by track » des familles.

« When Your Number Isn’t Up ». Quelques notes de piano s’effacent au profit d’une basse lente et doucereuse. Et Mark se lance dans une berceuse des ténèbres dont il a le secret. Comme quoi la déprime peut être sacrément belle.

Changement de braquet sur « Hit The City », clairement rock. Lanegan livre un duel intense avec PJ Harvey, la basse se chargeant de maintenir les acteurs sous tension. Comme il ne fait rien comme tout le monde, Lanegan conclut le morceau sur un « one, two, three, four » habituellement introductif.

« Wedding Dress ». Une boîte à rythmes, une basse qui tourne en rond, un refrain qui fait « lalalalalalaaaa »… Décrit comme ça, ça ressemble à une belle bouse. Mais on parle de Mark Lanegan là. Dégager autant de classe en chantant « lalalalaaaa » ce n’est pas donné à tout le monde. Essayez chez vous, vous verrez comme vous aurez l’air con. Morceau sublime, inutile de le préciser.

Le rire diabolique de Mark résonne. Ça va chier des bulles. En 2004, Lanegan est un membre des Queens Of The Stone Age. Josh Homme est d’ailleurs très présent sur ce disque et ce « Methamphetamine Blues » avec un Lanegan survolté et ses guitares déchainées n’est pas sans rappeler le QOTSA de l’époque. Une pléthore d’invités participent au carnage (Alain Johannes, Josh Homme, Nick Oliveri, Greg Dulli…). Il a des bons potes, le Mark. « Don’t wanna leave this heaven so soon » qu’il dit. Nous non plus.

« One Hundred Days ». Attention chef-d’œuvre ! Un verre de sky à la main, Mark nous en colle encore une belle. Les ballades mélancoliques, c’est son truc et le jour où il a écrit ce titre, il était touché par la grâce. Loin d’être un ange, ce morceau seul devrait néanmoins lui ouvrir grand les portes du paradis.

Puis vient « Bombed ». Lanegan prend sa gratte acoustique et pousse la chansonnette avec sa chérie de l’époque, Wendy Rae Fowler. Qui a dit qu’on ne pouvait pas se contenter d’une minute pour rendre un titre inoubliable ? Pour se consoler d’un bonheur d’aussi courte durée, on se le réécoute volontiers plusieurs fois de suite.

« Strange Religion ». Toujours dans les bons coups, Duff McKagan (ex-Guns N’Roses) a oublié ses errements de jeunesse (il œuvre aujourd’hui parmi les excellents Walking Papers) et vient sur ce morceau soutenir vocalement Lanegan avec son ex-comparse des Guns Izzy Stradlin. De toute façon, Lanegan peut bien inviter qui il veut tant qu’il assure le lead vocal, on reste dans du très haut de gamme.

Après cet enchaînement de coups de massue tout en finesse, il est temps de remettre les guitares à l’honneur. « Sideways In Reverse » s’appuie sur un riff très efficace pour un morceau presque punk. Histoire de nous rappeler qu’il sait faire autre chose que nous tirer les larmes.

Revoilà Polly Jean ! A l’opposé de la fougue de « Hit The City », « Come To Me » est un duo lancinant sur un rythme hypnotique. Ici les deux voix ne s’opposent pas dans un duel à couteaux tirés mais échangent et s’unissent. L’harmonie entre les deux est à peine croyable… Depuis ce disque, on ne peut s’empêcher de rêver d’une collaboration plus poussée entre Mark et PJ.

Pour nous redonner un peu de baume à cœur, Lanegan desserre légèrement l’étreinte émotionnelle. Sur « Like Little Willie John », il convoque le folk originel, dans la plus pure tradition américaine. Pas pour rien que le titre fait honneur à Little Willie John, chanteur américain de Rhythm & Blues des années 50.

On entame le dernier tiers du disque et Lanegan estime qu’on a assez rigolé comme ça. Vient donc « Can’t Come Down », morceau apocalyptique où les guitares hurlent leur désespoir. Comme une irrémédiable plongée dans la pénombre. Quel meilleur guide que la voix de Lanegan pour nous y conduire ?

Après l’enfer, place à la délivrance, la légèreté. Dans une atmosphère éthérée,  « Morning Glory Wine » nous remet les idées en place. Ça va mieux.

Sur « Head », la boîte à rythme de « Wedding Dress » revient mais l’ambiance est tout autre. Ce sont claviers et synthétiseurs qui la ramènent sur le refrain et confèrent au titre un côté presque dansant. Encore une autre facette du talent du chanteur qui s’en sort une fois de plus brillamment.

« Driving Death Valley Blues » fait écho à « Methamphetamine Blues » et son énergie sulfureuse. Lanegan cesse de nous caresser dans le sens du poil, réenfile son costume de chanteur à poigne et nous emmène d’une main de fer dans la vallée de la mort.

Conclusion faussement apaisée d’un disque hors norme, « Out Of Nowhere » démarre tout en douceur pour mieux monter en puissance et alterner sérénades toujours aussi habitées et passages instrumentaux laissant piano et guitares s’exprimer.

Ce dernier point est assez rare pour être souligné tant ce disque est porté de bout en bout par la voix unique de Lanegan et rend tout le reste presque secondaire. Elle n’avait peut-être jamais été autant mise en valeur. Au sein des Screaming Trees, c’était un quatuor où la voix avait son importance au même titre que les autres instruments, ni plus ni moins. Ici, et ce malgré la valeur et le nombre important des invités, malgré la qualité remarquable des compositions, la « star » véritable c’est cette voix exceptionnelle et si charismatique. C’est sans doute aussi ce qui rend cet album aussi fort et poignant.

Ils ne sont pas légion les disques de cette trempe sortis ces 10 dernières années. Cet album n’a de Bubblegum que le nom, certainement pas la texture. A moins que ce ne soit parce qu’il est extrêmement collant tant il parait aujourd’hui, dix ans après, impossible de se défaire de son emprise.

 

JL

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