Kyuss – Blues For The Red Sun
Un bourdonnement au loin, une tornade qui approche. En plein milieu du désert. Puis la déflagration « Thumb ». Kyuss se pointe en 1992 avec son deuxième album qui va en secouer plus d’un. Embauché à la prod, la brute aux doigts de fée Chris Goss (Masters Of Reality) les propulse dans une nouvelle dimension. Le son de Blues For The Red Sun pèse six tonnes sans négliger pour autant la finesse et la sophistication. L’époque Wretch est révolue, Kyuss boxe désormais dans la catégorie très lourds.
Josh Homme ne se prend pas encore pour Elton John, il ne pense qu’à faire cracher à sa gratte un son pachydermique. Branchée sur un ampli de basse, accordée « plus bas que ça tu meurs » elle le lui rend bien et cause de sérieux dégâts alentour. Brant Bjork fracasse du fût tel un bûcheron bien décidé à faire un massacre, John Garcia gueule comme un forcené avec la rage d’un vieux punk vissée au corps et Oliveri complète la dream team avec des lignes de basse gargantuesques ou rondouillardes, selon l’humeur.
Le red sun tape fort sur la casaque de ces rockeurs complètement stoned et se voit offrir des compos qui sentent la poudre, les trips enfumés et la Corona trop chaude.
Blues For The Red Sun possède un quota (un QOTSA huhu) de bombes assez inhumain. Ne sens-tu pas tes enceintes vrombir sur l’intro de « Green Machine » ? Et comme une envie irrépressible de headbanger seul au volant de ta décapotable quand la cavalcade s’amorce, portée par la frappe lourde de Bjork et les beuglements de John Garcia ? « I’ve got a war inside my head » clame-t-il (coucou Mike Muir) et nous, on a pris un méchant coup sur la casaque avec ces deux fabuleux premiers titres.
Mais la démonstration de force ne s’arrête évidemment pas là. « 50 Million Year Trip (Downside Up) » coche toutes les cases : riff surpuissant, pont groovy, lentes divagations psychées finales. Tu vois, ça mon enfant, c’est du stoner. Et ça poutre.
On ne se remettra jamais vraiment non plus de cette intro monumentale de « Thong Song » que d’aucuns jugeraient la plus cool de l’univers. John Garcia dit avoir horreur des « slow songs », ses comparses ne lésinent pourtant pas sur les longs jams hypnotiques (« Apothecaries’ Weight », « Writhe », « Freedom Run », l’instrumentale « Molten Universe » joyeusement heavy).
En fin d’album le riff carnassier de « Allen’s Wrench » ferait passer bon nombre de groupes metal burnés pour des petits joueurs. Ici il passerait presque inaperçu après s’être fait ravager par les monstres sus-cités. Soutenue par les cris étouffés de Garcia, l’habitée « Mondo Generator » (qui donnera son nom au prochain groupe de Nick Oliveri), conclut de manière épique un disque qui ne l’est pas moins. On sort soulé de coups de ces 51 minutes éreintantes.
Chez les fans de Kyuss, il y a deux écoles : les adorateurs de Blues For The Red Sun et ceux qui, comme moi, lui préfèrent tout de même Welcome To Sky Valley, tout aussi incandescent mais qui tient encore mieux la distance. Chez les fans de stoner, il n’y a qu’une école : les adorateurs de Kyuss.
Bluesy comme un bon Led Zep mais 16 fois plus lourd, écrasant comme un Sabbath mais 32 fois plus planant, Kyuss donnait ses lettres de noblesse à un genre en devenir. Dans un relatif anonymat, malgré les efforts de Dave Grohl pour les médiatiser, avant de gagner un respect éternel par la suite. Pour l’oeuvre accomplie.
Après ce disque, Nick Oliveri se tire, laissant le temps à Kyuss de sortir deux autres albums (dont Welcome To Sky Valley, autre monument on l’a dit), part fonder le groupe Mondo Generator où il convie Josh Homme, avant de se lancer avec lui dans un nouveau projet… La suite vous la connaissez.
JL