BLANK\\ – Inconsistent People
« Marche d’un pas léger car tu marches sur mes rêves. » William Butler Yeats
Nous vivons les dernières heures du romantisme, condamnés à noyer nos angoisses dans la centrifugeuse du déni, nous éprouvons alors le besoin de nous nettoyer du sordide dans l’abstraction la plus totale. Dans ce capharnaüm globalisé, même les lois de la physique finissent par perdre la boule.
BLANK\\ est la retranscription de la vanité humaine dans sa laideur la plus aboutie. Bardée de synthés déréglés, de bourdonnements dissonants, de rythmiques brinquebalantes, Manon Pedrono (qui incarne BLANK\\) décoche les cases, et dénonce les affres de la société. Justement, comment chanter l’écueil d’amours dévastés ? Les sentiments cabossés ? L’exercice n’est pas facile, surtout quand l’intention du titre « Three Headed Monkey » est de chanter la dépression, le désespoir, les désillusions. Pas question d’être indulgent, seule se déverse cette fureur froide, métaphysique.
Promenons-nous dans l’effroi.
Certains diront que seules les âmes fêlées laissent entrevoir une parcelle de folie, d’autres que le génie est la capacité de maintenir ce qui est hors de contrôle, ancré au plus profond de soi et qui remonte, telle la lave d’un volcan, en une éruption consumant les scories. C’est à ce degré que Manon sublime ses angoisses en colère, avec « GOOD F(R)IENDS » précédé de « Good for You ». On commence à croire à une succession de positivisme. Non, il est question ici de sauver ce qui reste d’immaculé dans ce monde condamnable à bien des égards. Sur « CLEAN » , la guitare dégouline, le texte est direct, derrière chaque individu, se cache l’homme bestial, prédateur, guerrier, ces corps vils.
Ce premier EP pourrait être dérangeant pour l’oreille non avertie, car au-delà du malaise que pourrait provoquer ces 5 titres disloqués, le message que veut faire passer BLANK\\ est intelligible si l’on fait l’effort d’écouter chaque couplet. Ici, pas de provocation gratuite ou d’outrance stylistique.
Moment de répit avec « ZUUNZ », point d’orgue de Inconsistent People, ici le titre est une confession, et pourrait se résumer ainsi et à défaut de se répéter : chaque société a les monstres qu’elle réclame.
BLANK\\ est résolument en dehors de tout ce qui peut être assimilé à un style prédéfini. Ce disque nous apprend à nous regarder en toute lucidité et à prendre distance avec nos certitudes.
Franck Irle