Black Snake Moan – Lost in Time

Publié par le 10 juin 2024 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Area Pirata/Echodelick, 24 mai 2024)

Vous voilà prévenus, une fois enclenchée l’entame de Lost In Time de Black Snake Moan, votre enveloppe charnelle va être envahie par une horde de frissons, une étrange sensation quasi-mystique se répandant partout comme l’encre de la nuit, jusqu’à ce que tout se fonde dans une teinte pourpre. « Light the Incense » est un rituel dont les textes décrivent le processus, celui d’une projection de l’âme dans l’immensité désertique de no man’s land, non seulement limités à la surface terrestre, mais au-delà de tout ce qui est mesurable.

Avec Black Snake Moan, les racines de l’inconscient se trouvent profondément sous la peau, en se détachant momentanément de l’emprise du monde, pour retrouver la vocation première de la création, son éternité, le temps qui s’ouvre devant nous. « Shade of the Sun » est la partition d’un parchemin exhumé de la Mésopotamie, par sa cadence rythmique, ses motifs hypnotiques. Et plus proche de notre époque, à la croisée des Byrds, du Gun Club et des Black Angels.

Son auteur, le multi-instrumentiste Marco Contestabile, s’est entouré pour ce troisième enregistrement de Roberto Dell’Era (que l’on retrouve à la basse et au chant sur l’envoutant « Sunrise ») et de manière permanente de Matteo Lattanzi. Le fil conducteur de Lost In Time s’articule autour de plusieurs thématiques, mais en son centre, c’est une boucle qui se déploie, « Come On Down » avec son introduction savoureuse au farfisa, ne constitue pas une descente mais une immersion dans l’autre monde. L’album est compartimenté en deux parties distinctes. Une esquisse où les ombres jouent avec la lumière, le temps n’est qu’une mesure à l’échelle humaine, mais au travers de « Cross the Border », ce concept dépasse toutes les limites des portes de la perception. Black Snake Moan représente l’exception artistique en tant que ménestrel des temps modernes, pourfendeur des ivresses originelles. Ce que l’œil perçoit conduit l’esprit vers une interprétation liminale. C’est en cela que Black Snake Moan est un guide. La signification même de la pochette (de Laura Kensington) dépasse la stricte analyse compositionnelle dont le disque est l’objet. Ce lien a toute son importance, faire coïncider l’œuvre dans un imaginaire individuel, chaque rêve est une expérience personnelle qui peut néanmoins rejoindre ceux des autres. Et comme me le disait Samantha Stella (Nero Kane) qui m’a fait l’honneur de découvrir cet artiste : Nous avons les mêmes mots parfois au même moment.

Franck Irle

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