The Black Angels – Indigo Meadow
Formé en 2004, The Black Angels nous viennent d’Austin, Texas. Sans tomber dans le cliché ou les généralités douteuses, on peut affirmer sans trop se mouiller que les texans ne sont pas spécialement réputés pour leur ouverture d’esprit et sont a priori plus portés sur les armes à feu que sur la consommation de champignons hallucinogènes.
On pourrait donc à première vue se montrer surpris que les Black Angels, à l’image de The Brian Jonestown Massacre, font partie de ces groupes nostalgiques du rock psychédélique des 60’s (leur nom renvoie d’ailleurs à “The Black Angel’s Death Song” du Velvet, sur l’album à la banane). Sauf qu’Austin est justement une terre de psyché, symbolisée notamment par les mythiques 13th Floor Elevators et chaque année s’y tient le festival Levitation, référence du genre… à l’initiative des Black Angels.
On pourrait qualifier d’anachronique le rock chéri par ces Anges Noirs à une époque où les groupes cherchent généralement à en mettre plein la vue en rivalisant de modernité, usant et abusant parfois de logiciels toujours plus performants quitte à perdre ce soupçon d’humanité qui fait souvent la différence. On pourrait en outre légitimement reprocher aux texans de ne pas avoir inventé la poudre, mais après tout s’inspirer d’anciennes légendes du rock n’a rien de honteux. C’est même plutôt de bon goût. Et on les remercie pour ça, car si on prend toujours notre pied à réécouter les classiques de l’époque, nos CD commencent à être rayés et on les connaît par cœur.
Premier constat qui s’impose d’emblée à l’écoute de leur 4e album : un gap a été franchi en terme de production, le son est absolument énorme et il n’y a pas besoin de pousser l’ampli pour que ça crache. Cela suit d’ailleurs l’évolution du groupe, amorcée par Phosphene Dream, trois ans auparavant. Les texans ont décidé de moins s’encombrer de compositions tortueuses et alambiquées, ils envoient la sauce, les tonitruants “Evil Things” et “Don’t Play With Guns” en attestent.
À l’inverse, on voit toujours kaléidoscopes, papillons multicolores et éléphants roses sur des titres comme “The Day”, “Love Me Forever” ou “Always Maybe” gorgés d’effets trippants à souhait – fuzz et wah-wah omniprésents sur les sons de gratte. Le chant d’Alex Maas semble, lui, traverser un écran de fumée (l’esprit de Jim Morrison n’est pas loin sur le refrain de “Always Maybe”)…
Les texans ont déjà prouvé par le passé qu’ils maitrisaient parfaitement leur sujet et le démontrent encore brillamment. On n’écoute pas ce disque comme une bonne vieille compil ou un empilement de reprises sans âme. Il regorge de vraies trouvailles mélodieuses (“Holland”), l’inspiration est au rendez-vous.
L’album ne souffre d’aucun véritable coup de mou et est rempli d’une énergie hautement contagieuse. Les moments de bravoure ne manquent pas, on pourrait déblatérer sur presque tous les titres. On se doit en tout cas d’en citer quelques autres : “I Hear Colors (Chromaesthesia)” et ses sons de clavier envoûtants (je ne citerai pas Manzarek mais la tentation est forte), “You’re Mine”, sa basse infernale et un Alex Maas dans son registre préféré, qui s’éclate derrière son micro. L’ambitieuse “Black Isn’t Black” parachève la démonstration.
Il suffit de peu d’écoutes pour être convaincu par cet Indigo Meadow et l’envie de repartir en voyage en enfournant le CD dans le lecteur ne manquera pas de vous tirailler régulièrement. Après la révélation Allah-Las, brillants hippies paumés au milieu des années 2010, The Black Angels poursuivent leur sans-faute avec ce 4e album épatant. Les sixties ont de l’avenir !
JL