Big Thief – U.F.O.F.
On a pris le temps, on l’a laissé venir. Voilà déjà près de deux mois que cet Unidentified Flying Object Friend revenait à nous à intervalles réguliers, se révélant peu à peu, mais gardant une certaine distance, une part de mystère à percer. Cet ovni était intrigant mais n’était pas encore un ami.
Oh, bien sûr, Big Thief ne débarque pas de nulle part et s’était déjà fait remarquer via ses deux premiers albums (Masterpiece et Capacity). Mais étrangement, malgré l’attrait de quelques titres plaisants, on craignait de se heurter aux habituelles limites du genre : un ensemble un peu trop lisse et convenu, un manque cruel d’aspérités. La prise de « Contact » a rapidement balayé ces craintes. Pas immédiatement mais à un moment clé : lorsque retentit ce cri déchirant et viscéral, totalement inattendu. Les guitares se mettent alors au diapason, bifurquant vers des contrées bruitistes. On sait déjà que le voyage ne sera pas monotone. Voilà un premier frisson, une différence. Voilà une dame qui en impose.
La dame se nomme Adrianne Lenker, c’est elle qui mène la danse du haut de sa douce voix fragile et de son jeu de guitare affirmé. Adrianne sait chanter, pas de doute là-dessus. Elle sait émouvoir, également, lorsque son chant presque brisé s’égare dans les aigüs, suivant un fingerpicking délicat, avant que quelques bruits non identifiés ne viennent pervertir cette folk immaculée (« UFOF »). Les murmures effleurent nos oreilles avec une grande délicatesse, la voix est à fleur de peau, parfois au bord de la rupture (« Terminal Paradise »). Si les belles mélodies sont omniprésentes, les contrastes sont fréquents : la somptueuse mélancolie d’« Orange », dans son plus simple appareil, nous fait succomber sans peine, quand « Cattails » se démarque grâce à de brillants arrangements. « Century », quant à elle, se révèle plus entrainante alors que la ténébreuse « Jenni » vient concurrencer Low en défiant la pesanteur et en poussant la tension jusqu’à l’inévitable explosion. C’est presque a capella que Lenker conclut « Magic Dealer », discrètement accompagnée de quelques notes de son bassiste Max Oleartchik. La sobriété pour terminer, avec toujours l’élégance comme fil conducteur.
Voilà un ami qui aura mis du temps à se dévoiler tout à fait mais sur qui on devrait pouvoir compter à l’avenir. En tout cas, on ne manquera pas de le solliciter.
Jonathan Lopez