Bärlin – Emerald Sky (Vailloline)
Vous aussi, ça vous énerve cette manie qu’ont les gens à toujours vouloir tout classer dans des cases, à estampiller d’une étiquette forcément réductrice ?
En musique c’est pareil, les genres ne suffisant pas, il a fallu créer des sous-genres pour y insérer les groupes afin que l’individu lambda puisse s’y retrouver. A l’écoute de cet Emerald Sky on sourit d’avance aux casse-têtes qu’ont dû éprouver/qu’éprouveront les « classeurs » en chef.
Qu’est-ce donc que cette chose-là ? La formation n’est déjà pas des plus banales : une batterie, une basse, une clarinette. Un chant atypique, parfois deux, voire même trois. Semblant s’exprimer dans un langage qui lui est propre.
Le nom, Bärlin, renvoie irrémédiablement (et volontairement) à une certaine ville allemande qui a eu (et a toujours) un sacré impact sur le monde de la musique… Les données étant clarifiées (si tant est qu’elles soient clarifiables), que nous dit la musique de Bärlin ?
Elle nous invite à fermer les yeux et à nous laisser guider dans un bien mystérieux voyage. Un voyage où la quiétude est toute relative, où les regards interdits se dessinent progressivement sur nos visages, ne comprenant pas bien à quelle sauce on est en train d’être mangé. Serions-nous dans les rades du vieux Berlin ? Pas impossible. A moins que l’on soit dans la peau de ce renard en proie à des menaces indicibles, devant fuir l’obstacle dans cette forêt mystérieuse et intimidante ? Rien n’est moins sûr.
Mais l’essentiel est ailleurs.
La seule certitude, c’est qu’on est ici face à une musique inclassable (range-moi donc ton étiquette on t’a dit), aussi intrigante que fascinante. On s’y sent constamment sur le qui-vive, comme guidé par de vieux chamans très aguicheurs mais au demeurant très inquiétants. Et cette clarinette ensorceleuse ne nous aide pas à nous détacher de l’emprise.
Aie confiance, nous chuchotent-ils. Et ils ont raison. On se doit d’avoir confiance, car l’épopée est unique en son genre.
Il est important de rendre justice à cette oeuvre, de ne pas se livrer à une chronique bête et méchante, à citer tel ou tel morceau, pour les sensations qu’il procure, à décrire leur construction. Ne pas chercher à étiqueter, ne pas se mettre en quête d’une éventuelle comparaison hasardeuse, Bärlin suggère une autre lecture, pousse à oublier tous préjugés, à balancer aux orties les a priori. Alors il suffit d’y aller, subir pour mieux appréhender, puis se livrer sans compter.
Apprécier Emerald Sky tel qu’il s’offre à nous, dans son intégralité, tout sens en éveil, simplement profiter de cette symphonie occupant un si grand espace, d’une profondeur insoupçonnée.
JL