Asocial Club – Toute Entrée Est définitive (A Parte)
Ça fait un moment que le rap français est dans un état de déliquescence avancé. Heureusement dans le vaste océan de merdouille qui nous entoure, surnagent encore quelques énergumènes qui font leur truc dans leur coin sans se soucier de quelconques retombées médiatiques (quasi nulles) ni attendre un éventuel succès commercial (secondaire). Parmi eux, il y a encore et toujours l’écurie Anfalsh qui fait figure de résistants face à l’envahisseur.
Asocial Club, derrière ce nom peu avenant (manquerait plus qu’ils le deviennent) se cache deux membres du crew Anfalsh : Prodige et Casey associés à Al et Vîrus qui partagent un goût commun pour le rap cru et sans concession. Après avoir fait ses armes sur scène, Asocial Club se lance dans une première expérience studio.
Toujours prompts à régler ses comptes, le quatuor s’attaque en premier lieu à ceux qui minent le genre en France. Semblable à une session freestyle, “La Putain d’Ta Mère” est un très bon titre mais les textes ne sont pas parmi les plus intéressants (l’egotrip reste parfois le pêché mignon de la bande). “99%” s’impose cash. Superbe instru, textes tranchants comme des coups de schlass. Le rap game en prend pour son grade “Ils n’ont soif que de reconnaissance, écrivent des trucs qui n’ont aucun sens, on m’a pas demandé ce que j’en pense, j’écris des textes comme des sentences.”
Plusieurs producteurs ont mis la main à la patte, le tout chapeauté par DJ Kozi. En résulte une agréable variété des instrus, avec notamment quelques incursions dub (sample de Peter Tosh sur “Ghetto Music”, vapeurs Kingstonniennes sur “L’Hiver Est Long”).
Après une sympathique (anecdotique ?) parenthèse légère et rigolote (“Anticlubbing”), la seconde partie de l’album bascule dans une tonalité résolument plus sombre. Avec des instrus dignes de films noirs. De l’irrespirable “Mes Doutes” où l’on retrouve une Casey au sommet, animée par la rage qui la caractérise, à l’envie de tout cramer sur “Ce Soir, Je Brûlerai”, c’est bien là que le quatuor sort le grand jeu. Le regard des autres, toujours empli de craintes et stéréotypes, passe également au crible des quatre plumes énervés (“Je Hante Ma Ville”).
Le quatuor n’est pas en reste quand il évolue dans un registre plus personnel, évoquant le déracinement (Al et Casey sur “L’hiver Est Long”) ou délivrant des textes introspectifs évoquant regrets et fêlures du passé (“J’ai Essayé”).
Rocé qui devait initialement participer à la totalité de l’album, est uniquement présent sur le dernier titre “Creuser”. Un titre ténébreux à souhait, une impressionnante descente aux enfers qui n’est pas sans rappeler le mythique “J’appuie Sur La Gâchette” de NTM.
Toujours aussi infréquentable, plus que jamais asocial, ce club-là n’en demeure pas moins indispensable sur disque.
JL