Cop Shoot Cop – Ask Questions Later
De l’avis de ceux qui ont croisé leur route aux US au tout début des années 90 : « Cop Shoot Cop scared the fuck out of everyone ». Ils tournaient à bord d’un corbillard, en guise de van, ils débarquaient dans des clubs mal famés avec leurs gueules de junkies, crades et affamés, et ils jouaient avec une violence inouïe : deux basses, pas de guitare, un clavier, un sampler, des percus et des débris métalliques éparpillés sur scène. Jamais ils ne regardaient le public. Comme Unsane, Pussy Galore, Swans, Prong et Honeymoon Killers, Cop Shoot Cop était né dans le Lower East Side, quartier où il ne faisait pas bon vivre, à New York, avant la gentrification amorcée par Giuliani. Une notion de danger accompagnait inévitablement sa musique. Pourtant, après quelques EPs (dont Piece Man, une pochette de 7 pouces de diamètre au verso de laquelle on voyait un flingue et dont le recto était tacheté de sang de porc – en anglais pig = cop, mais cop = héroïne, également ; le nom du groupe était à double sens -) et deux albums qui faisaient se télescoper noise rock et indus (Consumer Revolt et White Noise, plus difficiles d’accès et pourtant tout aussi recommandables), Cop Shoot Cop était devenu plus mainstream. Alternative rock, comme on disait alors. Pour ce troisième longue durée, ils avaient signé sur une major, Interscope – sur lequel se trouvaient déjà d’autres New-Yorkais causeurs de troubles : Helmet – et de nouvelles influences pointaient le bout du nez. Le Klezmer et la musique juive au sens large – qui se feront ressentir encore plus fortement avec Firewater, le groupe que Tod A. forma juste après Cop Shoot Cop -, le blues, le jazz, les marching bands (la fanfare de « $10 Bill » et « Got No Soul », sur laquelle on entend des cuivres, dont celui de David Ouimet, ex-membre de Cop Shoot Cop, Firewater et leader de Motherhead Bug) ainsi que la musique tzigane avaient forcé la porte de Ask Questions Later. Cop Shoot Cop, doté d’un budget plus conséquent, avait également intégré violons, piano, et même, haute trahison, quelques sons de guitare sur cet album qui fuse de toutes parts. Car du départ en trombe de « Surprise Surprise” jusqu’au final, « All the Clocks Are Broken », qui a possiblement en lui quelque chose des Bad Seeds période Tender Prey, Cop Shoot Cop aligne les plans assassins (« Cut To the Chase », « Cause & Effect », « Furnace », « Nowhere », s’il fallait n’en sélectionner que quatre), les interludes flippants (« Migration », « Israeli Dig », « Seattle ») et une vérité universelle (« Everybody Loves You (When You’re Dead) »). Les deux basses de Tod A. et Natz se complètent à la perfection, les beats de Phil Puleo obsèdent, les interventions bruitistes de Jim Coleman (qui joue ici sous un pseudo, Filer) intriguent, le chant inimitable de Tod A. faisant le reste. Au milieu de cet enregistrement signé Martin Bisi à B.C. Studio – si tu as lu Bisi et B.C. de la même manière, tu as tout bon. Sinon, relis : bici-bici-bici*), on trouve également deux tubes de taille supérieure. « $10 Bill », avec ses sifflets et son tambour battant, qui ont déjà été évoqués plus haut, semblent provenir directement du carnaval de la Nouvelle-Orléans. « Room 429 », quant à lui, restera simultanément ce que Cop Shoot Cop aura fait de plus accessible et de plus beau. Quelle mélodie, quel tempo envoûtant, quelle voix, ce Tod A. ! Un clip noir et blanc avait même été tourné, avec Jim Thirlwell de Foetus en guest, mais visiblement le grand public ne voulait pas de cet univers sordide en 1993. 1993. Cet album a donc 30 ans. Prends ça dans les dents.
S’il nous en reste, on se retrouve l’an prochain pour parler des 30 ans du suivant, Release.
Bil Nextclues
* Exactement comme dans… ? Body Count’s in da house, that’s right, motherfucker!