Arthur Satàn – A Journey That Never Was

Arthur Satàn a tué le père garage rock. Comme s’il était maintenant en paix avec lui-même, le chanteur de J.C. Satàn a terminé sa mue. Après un très prometteur premier album, bricolé dans son appartement bordelais durant le confinement, son savoir-faire pop explose et s’assume dans ce A Journey That Never Was, avec une facilité mélodique que beaucoup (sauf Rock&Folk, apparemment) avaient devinée dans les quatre albums qu’avait livrés son ancienne formation girondine. Cette fois encore, Arthur Satàn a tout fait seul (jusqu’à cette magnifique couv/fresque qui rappelle Philippe Druillet/ Métal Hurlant) et c’est tout simplement bluffant de justesse et de cohérence. Oui, les influences sont 60’s, comme cela est paresseusement écrit un peu partout, mais comme pour son acolyte bordelais, TH Da Freak, qui revisite les 90’s, le disque va plus loin, dans une éternelle réinterprétation des influences.
Comment ne pas être saisi et interloqué par la chanson d’ouverture, « The Death of a King », sorte de précipice d’harmonies, de chœurs, qui happe et conduit vers « The Killer », dans un tunnel de finesse et d’âpreté. Quelle adresse mélodique, ensuite, dans « A Cold Morning ». « Crucify Me » est un des moments forts de ce deuxième disque, avec son final en boucle beach boys-esque, qui reste accroché dans le crâne. « My Valentine » semble, elle, sortir tout droit de la cuisse de McCartney. Une filiation qu’on retrouve dans « Crazy Suzy » qui ressuscite le piano/clavecin de « In My Life » de Rubber Soul, et le All Things Must Pass de George Harrison. C’est sans aucun doute l’instant « journée du patrimoine anglo-saxon » du disque, mais au fil des huit chansons restantes, Arthur va s’éloigner des rives sixties pour aller vers une terre plus extravagante.
« Son of the Atom » renoue, doucement, avec l’électricité et le volume. « After the Night » est une belle réussite, sûrement la plus belle chanson, et une surprise, peut-être parce qu’elle sort du canevas britannique pour révéler un versant plus personnel d’Arthur Satàn, aux accents psychédéliques. « Glamosaurus Rex » et « The Farmer / The Soldier » sont les deux passages saturés, réussis, du disque avant que n’apparaisse « To Please You » une ballade tout intérieure, cinématographique, charpentée par une élégante ligne de basse à laquelle se raccrochent des arrangements de violon. « The Pagan Truth », chanson tout aussi étirée, dévoile un rythme et une boucle hypnotisante façon Krautrock, qui aurait pu constituer une très belle conclusion.
Dix-sept chansons, un double-album comme dans l’ancien temps (et un presque sans faute). Qui tente et réussit cela de nos jours ? En s’attaquant en plus, en 2025, à une époque sacro-sainte, à un style tellement rabâché qu’il a fini par lasser. Arthur Satàn l’a fait, spontanément, sans plan de British Invasion, avec sa propre lecture. A Journey That Never Was ranime la pop, la vraie, l’élégante, qui, depuis les rives de la Mersey, s’écrit maintenant sur les bords de la Garonne.
Maxime Guimberteau
Perso je suis aussi sur la ligne de R&F. Pas très client de JC Satan mais ce disque est une révélation.