Arsonists – As The World Burns
Arsonists, un groupe qui aura fait long feu. Un remarquable album plein de promesses pour débuter avant de se saborder alors qu’on leur prédisait un avenir radieux. Départ de deux membres du groupe, second album bien en-deça avant d’arrêter définitivement les frais.
Bilan : un très bon disque, un moyen et basta. C’est maigre, certes. Mais après tout on n’est pas obligés de ne parler que des groupes qui ont fait une grande carrière.
Car cet opus figure en très bonne place dans ma discothèque hip hop (bien garnie) et mérite toute votre attention. Découverts grâce à feu l’excellent magazine hip hop RER (pour Rap & Ragga), As The World Burns recèle de bien des qualités et dans mon infinie générosité je me disais qu’il serait fort dommage pour vous de passer à côté.
En 1999, Arsonists déboule, sans crier gare avec son premier album. Le groupe a la particularité d’aligner pas moins de cinq MCs : Jise, Swel 79, Freestyle, D-Stroy et Q-Unique. Ce dernier est aussi en charge de la plupart des productions de l’album. Polyvalent le gars.
L’avantage d’avoir autant de rappeurs se relayant derrière le micro, c’est que si l’un d’eux est un peu faiblard et fait figure de boulet, son couplet est vite expédié avant qu’un autre ne prenne la suite. Difficile d’éprouver un sentiment de lassitude pour l’auditeur donc, d’autant qu’ici point de boulet à l’horizon mais au contraire que des mecs talentueux et bien complémentaires.
Loin du hip hop sombre et du gangsta rap, Arsonists lorgne plutôt du côté d’A Tribe Called Quest et son rap vif et enjoué, du moins au niveau du flow des MCs. Un style souvent proche des battles et autres freestyles. On sent que les mecs ont bouffé des heures d’entrainement derrière le mic.
L’album attaque fort avec les impeccables “Backdraft”, “Shit Ain’t Sweet” et “Pyromaniax”. Le ton est donné, on comprend d’emblée qu’on n’a pas affaire à des guignols même s’ils se la jouent détendus sur cette dernière, complètement délirante.
On est immédiatement scotchés par les flows à la fois inspirés et très percutants (“Blaze”, “Venom”). Les instrus sont elles aussi d’excellente facture et l’exigence est maintenue d’un bout à l’autre du disque qui ne souffre d’aucun temps mort et ne présente pas de véritable faiblesse. L’ensemble est varié, dense, et surtout hyper rafraîchissant. Une fraîcheur salvatrice à une époque où le hip hop avait tendance à tourner en rond et s’endormir sur ses lauriers.
Le beat matraque sur “Underground Vandal”, l’instru est sobre et superbe, les MCs nous bombardent. Ce morceau est une ode au hip hop underground, Arsonists n’oublie pas ceux qui les inspirent. Dans des textes de haute volée, ils citent la crème de la crème (Necro, Cage, Non Phixion, Last Emperor, Company Flow, MF Doom, Dead Prez, Dr. Octagon…) en multipliant les jeux de mots. Ils se placent en dignes héritiers de ceux qui font la légende du rap des bas-fonds.
À l’image de ce morceau, l’originalité est de mise sur “Rhyme Time Travel”. Q-Unique revisite les époques avec trois beats sensiblement différents, et toujours très bons, qui illustrent tour à tour les années 1979, 1989 et 1999 (date de sortie de l’album). L’exercice est réussi haut la main, une fois de plus. Impressionnant.
Les instrus sont extrêmement variées et travaillées qu’elles soient sombres (les remarquables “Halloween”, “Live to tell”), enlevées (“Backdraft”, “Wolrd’s Collide”), minimalistes (“In Your Town” à la Wu-Tang) ou cool (“Pyromaniax”, “Session”), elles font mouche à tous les coups.
Les samples sont aussi judicieusement choisis. Sur “Flashback” on retrouve avec plaisir le sample de l’instru de Rage “Darkness”, portée par la basse de Tim Commerford. Et hop le ptit Steevie Wonder qui va bien sur “Live to tell” (extrait de “Taboo to love”).
Pas d’effets de manche superflus, de scratches inutiles, juste ce qu’il faut pour faire bouger la tête de l’auditeur. Ce premier essai est décidément bluffant.
Avec cet album indispensable, Arsonists frappait un grand coup et envoyait un signal fort à la concurrence qui n’avait qu’à bien se tenir. On connaît la suite, malheureusement…
Jonathan Lopez