Alex Maas – Luca
Quand un membre des Black Angels sort son premier album solo, forcément la curiosité est au rendez-vous. Jeune papa d’un Luca depuis 2 ans, Alex Maas, chanteur, et multi-instrumentiste au sein du groupe texan, lui dédie le titre de cet album. Et 10 chansons en sourdine… mais pas de ces berceuses joyeuses pour endormir les petits.
Car c’est l’une des surprises dès la première écoute. Point de fulgurances noisy, de wall of sound tourbillonnant, ou de déflagrations tonitruantes si chères à son groupe principal. Alex Maas a couché le gamin, qui dort à côté. Chuuuuut ! Dans une veine country-folk plutôt minimaliste, il distille d’une voix inquiète des chansons qui vont rarement voir la lumière. Plutôt les réflexions sombres d’un jeune père qui s’interroge sur le monde qu’il va laisser à son fils. Pour les fans des Black Angels, il restera « American Conquest », seul titre (et encore seulement de 3 minutes), où dès la ligne de basse, on se retrouve en terrain connu (la thématique anti-armes, cf le clip assez explicite), avec ce psychédélisme caractéristique, moins les décibels cette fois-ci. D’autant plus dommage qu’un peu d’électricité aurait pu donner plus de relief à l’ensemble du disque. Alex Maas n’est pas un grand chanteur au sens technique, on le savait déjà, mais le mix de sa voix sur les albums des Black Angels a toujours été un parfait complément à leur musique hypnotique. Ici, c’est sa voix, qui semble carrément dicter les nuances des titres. Sur l’inaugural et inquiétant « Slip Into », elle est fantomatique, faible lueur au milieu d’un brouillard épais. Débarrassée du mur noisy, elle est fragile, et au détour d’un refrain bien amené (« The Light That Will End Us »), nous rappelle celle de Jason Lytle. Dans un simple appareil folk (« Special », « The City »), elle est souvent émouvante. L’album a été enregistré avant les confinements mais quelques titres minimalistes respirent pourtant l’isolement et le repli. Parfait pour notre mois de décembre actuel, froid et confiné. Alors ce « Been Struggling », pop vaguement country, où Alex Maas sort même quelques lalala en ouvrant les fenêtres, on est presque surpris. Ou « 500 Dreams », folk élégant qui me rappelle qu’il faudrait quand même que je réécoute sérieusement Leonard Cohen. Par contre, je ne suis pas sûr qu’il faille faire écouter tout de suite le sublime « What Would I Tell Your Mother » au petit. Pas encore prêt pour cette mélancolie. Tout aussi bien arrangé, « All Day » ne ramène toujours pas la lumière avec son rythme hypnotique et une sonorité en arrière-plan que je n’avais plus entendu depuis le « Karmacoma » de Massive Attack ! À moins qu’un psychotrope sonore subliminal ne se soit infiltré dans mon esprit à mon insu. Ça ne s’arrangera pas avec « Shines Like The Sun (Madeline’s Melody) » qui pourra faire office de parfaite berceuse psyché. Dors, je le veux, tes paupières sont lourdes, tes yeux se ferment. Papa reprend la guitare folk pour finir avec le joli « The City » et… ça y est… tout le monde s’est endormi.
Album surprenant et plus subtil qu’il n’y parait, Luca révèle un Alex Maas à l’aise avec le songwriting folk, teinté de country. Plutôt crépusculaire mais jamais trop loin non plus des sonorités psyché et hypnotiques des anges noirs. Oui, c’est le groupe à papa, avec les grosses guitares et les pochettes bizarres, on prépare un nouvel album bientôt. Allez, au dodo maintenant, Luca.
Sonicdragao