Adolina – Imago

Publié par le 16 octobre 2022 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Yoyodyne / Araki, 8 octobre 2022)

Le 8 avril dernier, Le Cirque Electrique (repère alternatif parisien bien connu du public exigeant et aventureux) était blindé pour accueillir un superbe plateau indie/noise/post punk monté par des gens bien (Smart and Confused) pour des gens de goût (moi notamment) avec Echoplain, Poutre, Adolina et Unspkble (que des gens bien, ou presque). Et ce jour-là, Adolina avait fait grosse impression. Il avait alors très certainement joué plusieurs nouveaux morceaux puisque la semaine dernière, sans la moindre annonce préalable (ou pour le moins discrète), Bandcamp nous informait de la sortie du 4e album du groupe. Et pour une fois, ce mail (parmi les 96 autres reçus de la part de la plateforme) faisait bien plaisir.

On retrouve donc avec bonheur le quatuor belge en rangs serrés, à l’offensive d’entrée de jeu. C’est tendu, ciselé, redoutable et délectable.

Plus loin, un prénom. Peu courant. « Vern ». Le doute n’est guère permis. Ce titre-là est forcément pour Vern Rumsey, bassiste génial d’Unwound disparu en 2020, tant il évoque le groupe d’Olympia. Et l’hommage pouvait difficilement être mieux rendu. Comme lorsque Vern officiait, la basse est aux avant-postes, elle mène aussi la danse sur « Hidden Monster » notamment. Mais n’allez pas croire à une vieille recette immuable, calquée et décalquée, dans des tonalités changeantes, pour que l’auditeur n’y voit que du feu. On ne s’ennuie pas sur Imago, si la répétition est une des armes, l’effet de surprise en est une autre. Les morceaux sont insaisissables, la guitare toujours inventive. Le chant, au diapason des instruments, jamais au-dessus, jamais trop bas, transmet l’urgence. Cours. La section rythmique cavale mais calme parfois le jeu en plein milieu, sans coup férir, pour mieux faire pleuvoir les coups. Et parfois, elle décide d’y aller tranquille, tapissant le terrain au gré des gouttes de pluie venant se fracasser sur la fenêtre, pour une guitare qui a tant à dire et ne s’en prive pas sur le quasi instrumental superbe « (…) ». On touche même du doigt le merveilleux avec « Palindrome » et son intro slowcore (jusque-là, on naviguait davantage entre noise et post hardcore, vous l’aviez compris, si vous êtes bons lecteurs interlignes). Ce genre de récit à six-cordes, chargé de mélancolie, livré sur nos têtes innocentes, moi, ça me fait fondre. Et là, encore, on va, on vient, on suit, on croit, on accélère, on décélère, on s’enflamme, on tombe des nues. Un régal. Voilà pour les évidences mais il y a tant à explorer sur Imago qu’on vous recommande de vous y plonger dès maintenant et de cesser de lire mes conneries. Du temps est nécessaire. Ce disque fait, certes, effet immédiatement mais ne cesse de se dévoiler par la suite, tant ses constructions se révèlent habiles, ses bifurcations inattendues et il est chaque fois plus jubilatoire de s’y engouffrer. Rien n’est superflu, tout est à sa place et sonne impeccablement. On n’en demandait pas tant mais ça nous va très bien comme ça. On peut toutefois déplorer une chose : que la sortie de ce disque essentiel soit bien trop confidentielle. Imago, en écoute sur Bandcamp, est actuellement en vente en digital à prix dérisoire. En attendant une version physique en 2023… si les ventes digitales suivent. Alors, un petit effort, ils le valent bien et on mérite mieux que de vulgaires MP3.

Jonathan Lopez

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