The Keening – Little Bird

Publié par le 21 février 2024 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Relapse, 6 octobre 2023)

Relapse Records ne se focalise pas uniquement sur le métal, le folk a désormais toute sa place. Ma dépendance pour le dark folk et ses dérivés, est désormais avérée. Une des raisons évidentes est que cette musique illustre les drames et la vanité humaine. Une apparence d’étrangeté trempée dans l’épaisse brume de la mélancolie existentielle que nous ressentons à des moments inopinés. Un frôlement dans la nuit que Rebecca Vernon a immortalisé dans un projet solo, parenthèse momentanée de son groupe SubRosa. Little Bird est entré furtivement par un interstice, pour hiberner pendant la saison hivernale et se prolonger en cette année 2024. C’est un album qui ouvre la porte des rêves qui nous visitent la nuit.

Le terme folklore est ambigu, et peut prêter à confusion. Loin des gros riffs électriques, les arpèges acoustiques se mêlent aux cordes, à la différence des violoneux, les glissandos qui enrobent la voix de Rebecca Vernon, se rapprochent des violons de Tindersticks. Sauf qu’ici, Little Bird est un disque qui convie les fantômes de Nick Drake et évoque la présence vocale de Susan Christie. N’appréciant que très peu les comparaisons, je me restreindrai à parler uniquement d’un projet personnel qui se distingue par une série de chansons toutes reliées autour de la fragilité du vivant. C’est en cela, que « Autumn » est frappant dès les premières mesures, par son tempo et son ambiance cérémonielle. Il convient de mentionner à la production Billy Anderson (Red House Painters, Swans, Sleep, Neurosis) qui apporte ici une touche sonore inhabituelle, chaque piste est imbriquée dans la suivante. Peu de delay, tout est concentré dans une compression exempte de fioritures ou d’effets shoegaze. « Eden » au travers de son orgue rejoint l’univers intimiste de Mark Hollis, les guitares explosent dans un refrain magistral, fragments qui trouvent leur unité au travers d’instruments tels que la harpe. Cette chronique prend une tournure dithyrambique, et ne peut en être autrement, le tournant de l’album prend forme avec le titre « Little Bird » et sa ligne de piano entêtante. Plus on avance dans ce disque, plus The Keening rallonge sa musique, pour qu’elle puisse se développer et opérer un enchantement. « The Truth » est la pièce maitresse du disque, déclinée en 17 minutes qui se savourent en dehors des conceptions temporelles. Le piano constitue l’enveloppe de chaque composition, prologue à quelque chose d’informel, qui devient substantiel, plusieurs respirations qui constituent les chapitres d’un récit baroque. La beauté de cette œuvre repose sur sa simplicité et son élégance. Le final réanime l’oiseau qui était sans vie, autour d’une harpe magistrale, on pénètre alors dans un paradis.

Franck Irle


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