Petra Hermanova – In Death’s Eyes

Publié par le 4 janvier 2024 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Unguarded, 13 octobre 2023)

Après avoir épluché la plupart des chroniques des disques de 2023, des moins confidentiels jusqu’aux plus obscurs, c’est au détour d’une conversation avec Samantha Stella de Nero Kane que m’a été révélé tardivement l’un des albums secrets qui a rejoint après plusieurs écoutes, mes petites préférences cachées. À une pochette mystérieusement chargée de symboles, illustrant le ralentissement, un corps inerte flotte à la surface d’une eau glacée presque liquéfiée, détail important, l’aspect organique est transformé en quelque chose de plastique. Les membres immergés sont comme purifiés par une onde venue des profondeurs.

Dès les premières mesures de « Black Glass », on sent que quelque chose d’indicible se produit. Un grand orgue à tuyaux solennel qui vient accompagner la voix baroque de Petra. Avec ce titre, le fond est la forme remontée à la surface. Devant le secret de l’intime, l’incertitude des événements et l’instabilité des êtres, on manque de mots. Puis vient son instrument fétiche, l’autoharpe et l’aspect liturgique prend une toute autre dimension. Nul réconfort n’est possible face au deuil. Seule la musique possède un effet thérapeutique pour les vivants.

« Two Deaths » permet cette immersion, sur fond de drones, d’arpèges, la voix éthérée de Petra couronne l’ensemble. Ce son caractéristique est le résultat d’un travail avec Denny Wilke dans la cathédrale de Merseburg. On peut entendre les tirettes modifier l’échelle sonore, déformer les harmonies. Une particularité qui rapproche Petra de Anna Von Hausswolff.
Avec « Marrow Embers » la première pensée qui me vient à l’esprit est un morceau de The Nocturnes, « The Cradle » (avec Emma Ruth Rundle), Petra se livre sans aucun artifice avec son instrument. Titre dépouillé où le chant devient poussières d’étoiles qui tombant par milliers, nous laisse totalement désarmés. Ce que Petra nous révèle en définitive, c’est que notre lien avec ce monde est un combat qui se joue de lui-même face aux obstacles dont chacun évalue sa force, élan qui s’amenuise d’autant qu’il ne reste qu’une présence partielle de vie.

La musique de Petra Hermanova peut être assimilée à un requiem, le thème de perte est omniprésent, une purgation de ce qui est périssable, l’âme est dans un continuum. Cet état de suspension, de flottaison sensorielle, est peut-être le remède à la grande accélération temporelle que chacun peut ressentir.

Franck Irle

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