Saffron Eyes – Smile Until It Hurts

Publié par le 23 octobre 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(We Are Unique! Records, Specific Recordings, 6 octobre 2023)

Pourquoi aller chercher ailleurs ce que l’on trouve à Saint-Étienne ? La perfection power pop à l’état pur. Ou bien le pinacle de l’indie rock, selon comment on range ses étiquettes. La mélodie absolue. Simple mais étincelante. Celle qui tue et refuse de sortir de la caboche des jours durant, on la tient à portée de main avec Saffron Eyes. Les Stéphanois avaient fait bien plus qu’impressionner avec Pursue A Less Miserable Life, un premier disque qui, je ne sais pas chez vous, mais sur ma platine avait tourné tourné tourné, en toute saison et bien au-delà de 2020. Trois ans plus tard, avec Smile Until It Hurts, Saffron Eyes fait bien mieux que simplement confirmer. Il nous livre un album encore plus revigorant, intelligent, drôle, frais, léger, touchant et profondément sérieux. Les dix nouvelles chansons sélectionnées ici ont une fois de plus le don d’être simultanément immédiates, faciles d’écoute, cérébrales et riches d’idées. Elles sont ficelées avec une telle justesse que l’addiction sera inévitable et que jamais, ô grand jamais, il ne sera possible d’un jour s’en lasser. Saffron Eyes n’a aucunement besoin d’être comparé à qui que ce soit, mais si vous repensez aux compositions éternelles des Nerves ou de certaines de celles des Feelies de la période post-Crazy Rhythms au cours de l’écoute de Smile Until It Hurts – ou bien à un riff de Hole sur “Love Is A Shed” – , cela n’aura rien d’anormal. Le travail d’orfèvrerie est ici similaire. Tout est minutieusement agencé afin que l’auditeur prenne un plaisir maximal et s’abandonne entièrement. Le jeu de guitare est d’une subtilité effarante, la basse, inflexible, se tient droite et fière, la batterie se fait parfois invisible – la discrétion, dans ce style où il fait bon de ne jamais en rajouter, est le meilleur des atouts – et le chant… le chant… ah ce chant ! Ce putain de chant, on le connaît déjà depuis de longues années ! C’est celui de Raymonde Howard – Laetitia, à la ville -, qui avec Saffron Eyes laisse sa guitare dans son étui et ses pédales de loop au placard. Les mains libres, elle nous fait fondre à chaque mot prononcé. Laetitia, aussi bien que son alter ego Raymonde, possède certes une voix sexy as fuck – et elle le sait, sans pourtant en abuser – mais également un talent pas possible dès qu’il s’agit de s’adonner à l’écriture de paroles. Rassurez-vous, on ne les passera pas ici au crible pour une étude de texte approfondie, mais maîtriser aussi bien la langue anglaise et l’accent (so british) est tellement rare dans notre scène frenchy (but chic!), que ne pas le souligner serait un acte criminel. La somme de tous ces éléments, ou plutôt ce mariage quadrilatéral, crée un sentiment inhabituel. On jurerait que chaque musicien, altruiste, ne joue que dans le but de mettre en valeur les trois autres ; oui, le chant est inclus en tant qu’instrument, toujours. Un véritable jeu d’équipe, en somme, et du beau jeu, du très beau jeu collectif ! Avec comme résultat une musique exaltante que l’on vous recommandera d’écouter en bagnole, au boulot, en ville, dans la nature, à la plage, dans les transports en commun, à la maison. Seul ou entre amis. Elle est idéale pour danser, rêvasser, bouquiner, écrire, batifoler, prendre une douche, dormir, faire la vaisselle, le linge, le ménage, du vélo ou du tricot. On pourra aussi éventuellement l’écouter juste pour l’écouter, et laisser tomber tout ce que l’on a à faire, pendant 30 minutes de plénitude véritable.  

Ce qui pourra rendre Saffron Eyes encore plus enivrant, c’est d’offrir à peu près à n’importe qui la faculté de tomber raide dingue d’un groupe qui évolue dans un genre musical dont on n’a potentiellement rien à cirer – ce qui est le cas de l’auteur de ces lignes, qui vient tout juste de dévorer un live pétaradant de Big Black et qui, sans transition, va enchaîner Smile Until It Hurts avec le brutal Objects Without Pain de Great Falls. Si votre truc à vous est donc Today Is The Day, Dazzling Killmen ou Don Caballero, mais que votre queue frétille dès que le nom de Juliana Hatfield est suggéré, il y a de fortes chances pour que vous vous souveniez d’être également muni d’un cœur. Car tout ce que ces quatre Stéphanois veulent, en définitive, c’est un peu d’amour (regardez donc ci-dessous).

Bil Nextclues

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