Buck 65 – Super Dope

Publié par le 24 juin 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Autoproduit, 5 mai 2023)

Malgré tout le respect qui lui est dû, son indiscutable intégrité, on ne s’est pas forcément montré très assidu vis-à-vis des dernières sorties de Buck 65. Il faut dire qu’en trente ans de carrière, le rappeur/chanteur canadien a cumulé plus de quinze albums et presque autant d’étiquettes. Après avoir multiplié les incartades blues, folk, rock ou même drum’n bass et su constamment brouiller les cartes avec talent, il était même aisé de s’imaginer que Buck 65 n’était plus vraiment un rappeur.

Ce Super Dope qui porte rudement bien son nom vient dissiper tout malentendu à ce sujet. Richard Terfry aka Buck 65 est toujours un sacré rappeur et il semble avoir pris un plaisir fou à nous le rappeler en se replongeant avec délice dans les bases de cette culture qu’il chérit tant. Buck 65 virevolte derrière le micro, sample Funkdoobiest, les Wiseguys, cite EPMD, Def Jam, Run DMC, fait des clins d’œil appuyés aux Beastie Boys, colle des gros beats percutants, s’appuie sur des cuivres funky… C’est bien à un album de pur hip hop old school que nous avons droit et on ne l’attendait franchement pas à pareille fête. Les instrus sont riches, très travaillées et variées. Entrainantes voire irrésistibles (« Challenge to the Underground », « A Gift From the Sky », « Super Dope », la basse yummy de « Breach the Wall of Smoke ») ou bien plus sombres (« Evil God », « The Forbidden Words », « The Monster Anarchy Zone », les cordes de « Shoot the Invader » pouvant évoquer les premiers Sage Francis), les ambiances passent sans coup férir du sémillant à l’inquiétant, à tel point qu’on a parfois l’impression de changer de disque, même si l’humeur globale est au ghetto blaster qui crache fort.

Bourré de scratches accrocheurs, de samples bien sentis, d’instrus ciselées, ce Super Dope foisonnant et extrêmement rafraichissant s’apparente à une mixtape rondement menée de quarante minutes qui ne souffre d’aucun temps mort. Et puis, quand la plupart des rappeurs agitent en argument de vente une liste de featurings longue comme le bras, Buck 65 peut, lui, se targuer de s’être occupé de tout, de l’ensemble de la production et des textes, au moindre scratch, sans oublier l’artwork, ce qui rend son accomplissement encore plus remarquable.

Finalement, le seul reproche qu’on pourrait faire à ce Super Dope serait d’être bien moins aventureux et imprévisible que ce à quoi Buck 65 nous a habitués mais une telle efficacité n’est pas donnée à tout le monde et il faudrait être sacrément blasé pour bouder un tel plaisir d’écoute.

Jonathan Lopez

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