R.A.P. Ferreira – The Light Emitting Diamond Cutter Scriptures

Publié par le 2 décembre 2021 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Ruby Yacht, 26 novembre 2021)

J’aime pas trop le jazz. Ça a tendance à m’emmerder sec. Au mieux, ça passe en fond sonore pendant que je mange une soupe au potimarron, mais ça s’arrête là. Je possède tout de même quelques classiques qui se doivent de figurer dans toute discothèque digne de ce nom mais je ne les écoute jamais. Ça joue très bien, ce n’est pas désagréable mais lorsque le disque s’achève, je n’ai rien retenu. Ne m’en voulez pas, ne martyrisez pas votre clavier, il ne vous a rien fait, ne m’insultez pas, je ne vous entends pas. C’est ainsi. Le jazz m’ennuie.
Le rap, en revanche, fait partie de ma vie. Et l’association jazz-rap, quand elle fonctionne, me réjouit au plus haut point. L’an passé, je découvrais sur le tard l’album Purple Moonlight Pages de R.A.P. Ferreira. Un disque absolument formidable, au ton posé, aux instrus raffinées, un véritable enchantement pour les oreilles. R.A.P. Ferreira qui s’est fait connaitre sous le nom de Milo excelle dans ce rap introspectif, teinté de poésie, bourré de sincérité, à milles lieues d’egotrips sans intérêt.

Pour lancer 2021, il a remis ça avec Bob’s Son (en hommage à Bob Kaufmann) en guise de cadeau de nouvelle année. De quoi inciter le monde à prendre de nouvelles résolutions. Mais le monde n’en fait qu’à sa tête. L’album était moins renversant que son prédécesseur, il faut bien le dire. Presque anecdotique en comparaison. Il nous devait donc une revanche. Et la semaine dernière, surprise, The Light Emitting Diamond Cutter Scriptures débarquait sur le bandcamp de l’artiste. 11 nouveaux titres dans lesquels Milo y va mollo, déclame dans le plus grand des calmes et nous emplit d’une sérénité nouvelle. Les chœurs de “Contrapuntal” nous enveloppent, blottis, guettant l’ataraxie. Milo mime les cuivres de “Brother Mouzone Library Card” ou le beat de “Hyperion” avec une désinvolture rafraichissante et on a tout envie d’en faire autant, lovés dans notre canapé. Ce rappeur n’a pas son pareil pour donner l’impression de passer dans le coin par hasard, de poser quelques réflexions au débotté. Et ses amis ne paraissent pas plus alarmés que lui, même lorsqu’il se remémore l’odeur du ciel qui brûle (“I remember the smell of sky burn” sur le remarquable “Gemilut Hashadim”). De nombreux producteurs se succèdent derrière les platines (Argov, Brainweight, Brendon Caroselli, Vast Ness…) offrant une belle variété instrumentale (“Uptown 37” et “Hyperion” dans des registres plus graves et inquiétants, là où “Contrapuntal” ou “East Nashville” invitent à laisser tous ses soucis au vestiaire), sans que l’homogénéité n’en souffre. Et Ferreira de jongler avec toujours autant d’aisance entre les beats, de poser son flow avec un naturel et une fluidité jamais démentis.

Moins immédiat et probablement un peu moins riche que le fabuleux Purple Moonlight Pages, The Light Emitting… se bonifie toutefois au fil des écoutes et confirme sans la moindre ambigüité que R.A.P. Ferreira est bien l’un des MCs les plus fascinants et singuliers du rap game actuel. Qu’il n’hésite pas à nous faire une nouvelle offrande pour le nouvel an et lancer ainsi 2022 sous les meilleures auspices.

Jonathan Lopez

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