The Clash – The Clash

Publié par le 16 mai 2017 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

(CBS, 1977)

On a tous lu les discothèques idéales de Jean-Jacques Duchmol ou Robert Brouchtar. C’est divertissant. Dedans on nous explique qu’il faut absolument posséder les premiers Oasis et que London Calling est le plus grand disque de punk qui soit.

De deux choses l’une, je m’en suis toujours tamponné d’Oasis et je m’en porte pas plus mal. J’ai toujours adoré les Clash et, comme tout un chacun j’ai commencé par London Calling me considérant alors comme un vrai PUNK. Oui mais London Calling, tout mythique qu’il est (la pochette, le titre éponyme, les incursions reggae et tout le toutim, je vous ai déjà tout raconté), n’a déjà plus grand chose de punk. Si vous voulez vous la jouer punk (même dans votre salon, c’est pas grave), il n’y a pas à tergiverser 107 ans, il faut vous tourner vers L’ALBUM PUNK des Clash (et un des tout meilleurs du genre) : le premier. Et ça Robert Brouchtar a oublié de vous le dire. Laissez-moi vous expliquer.

En 1977, les Clash ne savent pas jouer. Paul Simonon a sa basse en main depuis moins de 2 mois quand il rentre en studio pour la première fois. Les autres, guère plus. Peu importe, voire tant mieux. Les Clash sont limités mais ils ont en tête des mélodies, envie d’en découdre avec le pouvoir/les autorités/le système.

Alors ils enregistrent 14 morceaux enervés, dont certains feront date (“London’s Burning”, “White Riot”) tandis que d’autres auraient dû, bien plus que “Should I Stay Or Should I Go” par exemple, plus radio friendly et bien plus lisse que les 14 bombinettes pop punk ici présentes (bon allez “Cheat” est un peu cheap).

Pas de production soyeuse, pas d’envie – ou pas encore les moyens – de satisfaire leur côté touche-à-tout, moins de question à se poser, juste une révolte à exprimer. A la batterie, Topper Headon donne le signal. “He’s in love with rock’n’roll woah, He’s in love with gettin’ stoned, woah” (“Janie Jones”)… Brut, cash, clash. Comme c’est bon.

Mick Jones n’est pas Hendrix et ne le sera jamais mais il ne tortille pas du fion, il pond des riffs percutants qui vont droit au but. Strummer sait à peine chanter mais il y met tellement de cœur et d’entrain qu’il se révèle bien plus entrainant et convaincant que nombre de chanteurs techniquement doués mais aussi expressifs qu’un poisson clown. Cette musique n’est pas faite pour les poseurs.

Quand Jones lance les hostilités et que Strummer s’engouffre pour y gueuler son rejet de l’impérialisme américain (“I’m So Bored With The USA”), de l’armée, du boulot de merde qui te sert juste à remplir ton assiette (“Career Opportunities”), on les suit. Yeux fermés et poing levé.

Au rayon des tubes incendiaires, “White Riot” se pose évidemment là. Mick Jones fait éructer ses six cordes (ou au moins 3 faut pas trop en demander non plus) et son gang sème un bon bordel dans ton salon, à défaut d’une émeute dans les rues londoniennes (encore que…). En termes d’efficacité, “What’s My Name” et “London’s Burning” n’ont rien à lui envier. Ça sonne un brin à l’arrache mais ça reste carré. Les morceaux se suivent, ne se ressemblent pas (trop) et les refrains restent solidement ancrés.

Mais The Clash de The Clash comporte déjà des éléments de ce que sera le Clash de demain. Simonon laisse filtrer des lignes de basse rondouillardes comme on les aime du côté de Kingston (“Hate And War”) et tout le groupe le suit dans son penchant pour le contretemps dans une reprise fantastique du “Police And Thieves” de Junior Murvin. Le reggae leur va comme un gant. On en aura la confirmation plus tard.

Cerise sur ce succulent gâteau, les Clash nous épargnent ici les pénibles expérimentations qui viendront polluer leurs prochains albums (y compris London Calling qui, avec le recul, a lui aussi ses longueurs mais surtout l’interminable Sandinista). Ils ne se prennent pas pour ce qu’ils ne sont pas (encore), ils ne sont qu’un “garage band” qui vient de “garageland” (“Garageland”), et c’est comme ça qu’on les aime.

JL

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