Tim Presley – The Wink

Publié par le 8 octobre 2016 dans Chroniques, Toutes les chroniques

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(Drag City/Modulor, 2016)

Après avoir sorti avec White Fence son album le plus accessible, le plus produit et sans doute le plus abouti (For The Recently Found Innocent), Tim Presley tient à nous rappeler qu’il n’est pas tout à fait ce qu’on peut appeler un vendu.

La parenthèse aventureuse avec Cate Le Bon (au sein du projet DRINKS) l’avait déjà prouvée, ce premier album solo dont vous chercherez longtemps la clé achève la demonstration. On retrouve cette dernière à la production de The Wink qui ressemble parfois à un mur d’escalade où on aurait enlevé la majorité des prises.

Presley semble avoir pris un malin plaisir à bricoler des morceaux avec des bouts de ci, des bribes de ça, des bruits chelous par ci par là… Et éventuellement quelques petites mélodies bien planquées dans les recoins. Et que s’accroche qui pourra.

Mais ne fuyez pas tout de suite à grandes enjambées. Tim est facétieux mais pas complètement suicidaire non plus. Il ne fait guère de concessions mais il n’oublie pas de nous donner un peu à béqueter. Et les premiers nonosses qu’ils nous balancent sont remplis de moelle. Après une intro pas spécialement mémorable, “The Wink”, d’humeur Velvetienne, se révèle très vite hautement addictif. Avec sa gratte à la Tom Verlaine, “Can You Blame” fait également mouche assez vite. Autre évidente réussite, ce “Long Bow” et son synthé gentiment barjot, son refrain “papaaaa-papaaa” qui ferait presque passer le tout pour une aimable ballade « beatles-ienne » alors qu’auparavant on nous a trimballé dans tous les sens. Encore un coup, l’expérience déstabilise mais ravit. On croit alors qu’on va pouvoir se la jouer tranquillou et laisser venir à nous des titres pop un brin perchés, pas vraiment sucrés, mais avec ce qu’il faut d’atours mélodiques pour nous maintenir en selle. Ce serait oublier un peu vite que le père Tim en a rien à secouer. Ou du moins il ne pense pas ses albums (et celui-ci en particulier) en fonction de l’accueil qu’il va recevoir. En fin d’album, Tim Presley se lâche pour de bon. Au cours d’une longue divagation perchée façon écriture automatique sur fond de jazz déstructurée (“ER”) ou d’une étrange symphonie psychée à la construction bizarroïde agrémentée de bruitages à la Mario Bros (“Underwater Rain”).

Tel un Syd Barrett en son temps, Tim Presley fait fi de toutes modes, ignore les formats standards pour livrer brut ce qui a mûri dans son esprit. Que ça plaise ou non. Une belle leçon pour ceux qui se revendiquent psychés et ont besoin pour justifier leur étiquette d’activer 14 pédales de delay.

Cet album a finalement les défauts de ses qualités. Exigeant, indéniablement original, c’est un disque très attachant et personnel mais difficile à appréhender et qui suscitera toujours, même après moult écoutes, autant de plaisir que de circonspection.

JL

Tim Presley jouera le 18 novembre à l’Espace B (Paris).

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