Monolithe – Black Hole District
De Monolithe, j’ai toujours apprécié l’extrémisme, non pas de la musique (elle l’est) ou des idées politiques (ça, je n’en sais rien !) mais des concepts, notamment l’obsession pour les chiffres qui les voient faire un septième disque avec sept morceaux de sept minutes (chacun sur l’une des sept premières tonalités de la gamme occidentale) ou un huitième dont les morceaux font 04’08 ou 08’04, tout cela après avoir réalisé quatre albums composés d’une seule longue plage d’environ 50 minutes puis deux de trois morceaux de 15 minutes, regroupés en un seul double-album pour la version vinyle. Ok, tout cela ne fonctionnerait pas si le groupe n’avait pas aussi sorti de l’excellente musique en passant, oscillant entre funeral doom, un style relativement limité (en gros, c’est du doom encore plus lent que le doom, avec plein de reverb sur les voix), et sur les derniers albums une ouverture à beaucoup d’autres choses, du death progressif à la new wave en passant par d’habiles touches electro ou free jazz. Le tout dernier album en date donnait d’ailleurs une preuve supplémentaire d’ouverture en proposant en bonus une compilation de reprises dont « Cold » de The Cure ou « The Killing Moon » d’Echo and the Bunnymen.
Parfois, tout cela fonctionne et parfois, esthétiquement, il y a quelques passages qui dénotent un peu mais le travail du groupe, dirigé d’une main de fer par le passionné Sylvain Bégot ne cesse d’étonner et d’impressionner par sa cohérence, son indépendance et son intégrité. Même si j’avais été un brin déçu par le précédent, j’attendais quand même avec impatience cette nouvelle livraison. Le line-up du groupe a beaucoup évolué entre temps avec notamment l’arrivée d’un nouveau chanteur/guitariste en la personne de Quentin Verdier. Il y a eu également quelques autres changements et malgré ceux-ci (ou peut-être à cause de, qui sait ?), le son du groupe semble au contraire avoir gagné en cohérence, avec un recentrage sur le côté doom et un peu moins des incursions prog des derniers albums. Il y a malgré cela une ambiance un peu synthétique qui colle au récit du disque, ce dernier reprenant l’ambiance de récits dystopiques et « tech-noir » à la Matrix, ce que des claviers analogiques viennent souligner. Pour le reste, les riffs sont toujours aussi lourds, efficaces et poisseux et les growls de Quentin Verdier tout aussi impressionnants que ceux de son prédécesseur, Rémi Brochard. Le chant clair me fait un peu penser à du SUP, autre grand groupe de death/doom français épris de récits technologiques horrifiques, auquel on peut imaginer que Sylvain Bégot voue une certaine admiration. Au final, sans se trahir, Monolithe livre peut-être l’un de ses disques les plus « ligne claire » et les plus accessibles.
Avec le sublime album de Maudits sorti un peu plus tôt cette année, Black Hole District prouve donc la vitalité d’une scène metal française alternative dont on a toujours grand plaisir à avoir des nouvelles.
Yann Giraud