Kim Deal – Nobody Loves You More
Si je vous parle d’une artiste des années 90 charismatique, dont la musique est variée et néanmoins reconnaissable dès les premières notes, tour à tour gracieuse, dansante, envoûtante mais toujours classieuse, vous ne vous attendriez peut-être pas à ce que l’objet de la discussion soit Kim Deal.
Pourtant, le constat est sans appel. Bien que (trop) rares, les albums des Breeders, même celui sorti sous le nom The Amps, fourmillent de pépites dans un spectre qui s’étend de la ballade bluesy au punk énergique en passant par la country, le grunge et le classique pop intemporel. Pour preuve, leur dernier album en date, le fabuleux All Nerve, était notre disque de l’année à sa sortie (en 2018).
Kim Deal sort donc son premier album en son nom propre, et si cette nouvelle était en soi une vraie surprise (jusqu’à ce que la date soit repoussée deux ou trois fois), les attentes étaient forcément assez élevées vu la qualité générale de ses sorties.
Alors, Nobody Loves You More est-il un album des Breeders déguisé comme l’était Pacers de The Amps ? Pas vraiment. Atteint-il les sommets incroyables de All Nerve ? Difficile à dire, mais c’est certain qu’il ne nous a pas scotchés dès les premières écoutes comme ce dernier. S’agit-il d’un flop pour autant ? Clairement, non.
Le moins que l’on puisse dire à l’écoute de cet album, c’est que Kim Deal a été créative et généreuse sur les expériences nouvelles, sans pour autant s’éloigner de son style. Certes, certains titres comme « Disobedience » n’auraient pas dépareillé sur un disque des Breeders, mais d’autres offrent des choses inattendues comme des cuivres sur les deux morceaux d’ouverture, jazzy sur la très jolie ballade éponyme et en accompagnement pour la pop joyeuse de « Coast ». Il y a aussi la présence de cordes et de guitare steel (ou hawaïenne, j’ai un doute) sur la valse « Are You Mine » et, ce qui est plus rare, de nappes synthétiques (« Big Ben Beat ») et d’un beat électro sur « Crystal Breath ». Et si toutes ces incursions ne sont pas aussi convaincantes, peut-être en fonction des goûts de chacun, force est de constater que rien n’est vraiment raté.
Dans l’ensemble, ce premier album solo est une preuve s’il en fallait une que Kim Deal est toujours à l’aise pour offrir des recueils de morceaux faussement nonchalants mais vraiment touchants dont beaucoup se révèlent bigrement accrocheurs au fil des écoutes (définition même de ce que les anglo-saxons appellent un grower). Les fans le savaient déjà, les autres pourront également y trouver du plaisir. En bref, c’est une nouvelle réussite de la part de Kim, peut-être pas aussi exceptionnelle que le dernier Breeders, mais qui pourrait finir par se frayer un chemin dans les tops de fin d’années si comme moi vous êtes sensible à son charme musical. Moins théâtral ou grandiloquent que certaines, plus axé sur les mélodies que sur l’ambiance, contrairement à d’autres, mais une nouvelle démonstration de ce que le jazzman Thomas Gomez nommait « la musique du cœur » qui vous garantira à coup sûr un bon moment. Merci, Madame !
Blackcondorguy